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Ve dimanche de Pâques (B)

Acédie…



Mélancolie,

Edvard Munch (Ädalsbruk, 1863 - Oslo, 1944),

Huile sur toile, 64 x 96 cm, 1892,

National Museum of Art, Architecture and Design, Oslo (Norvège)


Lecture du livre des Actes des Apôtres (Ac 9, 26-31)

En ces jours-là, arrivé à Jérusalem, Saul cherchait à se joindre aux disciples, mais tous avaient peur de lui, car ils ne croyaient pas que lui aussi était un disciple. Alors Barnabé le prit avec lui et le présenta aux Apôtres ; il leur raconta comment, sur le chemin, Saul avait vu le Seigneur, qui lui avait parlé, et comment, à Damas, il s’était exprimé avec assurance au nom de Jésus. Dès lors, Saul allait et venait dans Jérusalem avec eux, s’exprimant avec assurance au nom du Seigneur. Il parlait aux Juifs de langue grecque, et discutait avec eux. Mais ceux-ci cherchaient à le supprimer. Mis au courant, les frères l’accompagnèrent jusqu’à Césarée et le firent partir pour Tarse. L’Église était en paix dans toute la Judée, la Galilée et la Samarie ; elle se construisait et elle marchait dans la crainte du Seigneur ; réconfortée par l’Esprit Saint, elle se multipliait.


Psaume 21

Devant ceux qui te craignent,

je tiendrai mes promesses.

Les pauvres mangeront : ils seront rassasiés ;

ils loueront le Seigneur, ceux qui le cherchent :

« À vous, toujours, la vie et la joie ! »


La terre entière se souviendra

et reviendra vers le Seigneur,

chaque famille de nations se prosternera devant lui :

« Oui, au Seigneur la royauté,

le pouvoir sur les nations ! »


Et moi, je vis pour lui : ma descendance le servira ;

on annoncera le Seigneur aux générations à venir.

On proclamera sa justice au peuple qui va naître :

Voilà son œuvre !


Lecture de la première lettre de saint Jean (I Jn 3, 18-24)

Petits enfants, n’aimons pas en paroles ni par des discours, mais par des actes et en vérité. Voilà comment nous reconnaîtrons que nous appartenons à la vérité, et devant Dieu nous apaiserons notre cœur ; car si notre cœur nous accuse, Dieu est plus grand que notre cœur, et il connaît toutes choses. Bien-aimés, si notre cœur ne nous accuse pas, nous avons de l’assurance devant Dieu. Quoi que nous demandions à Dieu, nous le recevons de lui, parce que nous gardons ses commandements, et que nous faisons ce qui est agréable à ses yeux. Or, voici son commandement : mettre notre foi dans le nom de son Fils Jésus Christ, et nous aimer les uns les autres comme il nous l’a commandé. Celui qui garde ses commandements demeure en Dieu, et Dieu en lui ; et voilà comment nous reconnaissons qu’il demeure en nous, puisqu’il nous a donné part à son Esprit.


Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 15, 1-8)

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Moi, je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron. Tout sarment qui est en moi, mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l’enlève ; tout sarment qui porte du fruit, il le purifie en le taillant, pour qu’il en porte davantage. Mais vous, déjà vous voici purifiés grâce à la parole que je vous ai dite. Demeurez en moi, comme moi en vous. De même que le sarment ne peut pas porter de fruit par lui-même s’il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi. « Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est, comme le sarment, jeté dehors, et il se dessèche. Les sarments secs, on les ramasse, on les jette au feu, et ils brûlent. Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voulez, et cela se réalisera pour vous. Ce qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous portiez beaucoup de fruit et que vous soyez pour moi des disciples. »


Le psaume 21 intégral

02 Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? Le salut est loin de moi, loin des mots que je rugis.

03 Mon Dieu, j'appelle tout le jour, et tu ne réponds pas ; même la nuit, je n'ai pas de repos.

04 Toi, pourtant, tu es saint, toi qui habites les hymnes d'Israël !

05 C'est en toi que nos pères espéraient, ils espéraient et tu les délivrais.

06 Quand ils criaient vers toi, ils échappaient ; en toi ils espéraient et n'étaient pas déçus.

07 Et moi, je suis un ver, pas un homme, raillé par les gens, rejeté par le peuple.

08 Tous ceux qui me voient me bafouent, ils ricanent et hochent la tête :

09 « Il comptait sur le Seigneur : qu'il le délivre ! Qu'il le sauve, puisqu'il est son ami ! »

10 C'est toi qui m'as tiré du ventre de ma mère, qui m'a mis en sûreté entre ses bras.

11 A toi je fus confié dès ma naissance ; dès le ventre de ma mère, tu es mon Dieu.

12 Ne sois pas loin : l'angoisse est proche, je n'ai personne pour m'aider.

13 Des fauves nombreux me cernent, des taureaux de Basan m'encerclent.

14 Des lions qui déchirent et rugissent ouvrent leur gueule contre moi.

15 Je suis comme l'eau qui se répand, tous mes membres se disloquent. Mon coeur est comme la cire, il fond au milieu de mes entrailles.

16 Ma vigueur a séché comme l'argile, ma langue colle à mon palais. Tu me mènes à la poussière de la mort.

17 Oui, des chiens me cernent, une bande de vauriens m'entoure. Ils me percent les mains et les pieds ;

18 je peux compter tous mes os. Ces gens me voient, ils me regardent.

19 Ils partagent entre eux mes habits et tirent au sort mon vêtement.

20 Mais toi, Seigneur, ne sois pas loin : ô ma force, viens vite à mon aide !

21 Préserve ma vie de l'épée, arrache-moi aux griffes du chien ;

22 sauve-moi de la gueule du lion et de la corne des buffles. Tu m'as répondu !

23 Et je proclame ton nom devant mes frères, je te loue en pleine assemblée.

24 Vous qui le craignez, louez le Seigneur, glorifiez-le, vous tous, descendants de Jacob, vous tous, redoutez-le, descendants d'Israël.

25 Car il n'a pas rejeté, il n'a pas réprouvé le malheureux dans sa misère ; il ne s'est pas voilé la face devant lui, mais il entend sa plainte.

26 Tu seras ma louange dans la grande assemblée ; devant ceux qui te craignent, je tiendrai mes promesses.

27 Les pauvres mangeront : ils seront rassasiés ; ils loueront le Seigneur, ceux qui le cherchent : « A vous, toujours, la vie et la joie ! »

28 La terre entière se souviendra et reviendra vers le Seigneur, chaque famille de nations se prosternera devant lui :

29 « Oui, au Seigneur la royauté, le pouvoir sur les nations ! »

30 Tous ceux qui festoyaient s'inclinent ; promis à la mort, ils plient en sa présence.

31 Et moi, je vis pour lui : ma descendance le servira ; on annoncera le Seigneur aux générations à venir.

32 On proclamera sa justice au peuple qui va naître : Voilà son oeuvre !


Le peintre

Peintre et lithographe norvégien, le plus grand artiste de son pays. Il se préoccupait de la représentation expressive des émotions et des relations personnelles dans son travail.


Il a été associé au développement international du symbolisme dans les années 1890 et reconnu comme une influence majeure sur l'expressionnisme. Ses premiers travaux étaient conventionnellement naturalistes ; en 1884, il appartenait au cercle d'avant-garde du peintre Christian Krøhg et faisait partie du monde des artistes bohèmes de Christiana (aujourd'hui Oslo) qui avaient des idées avancées sur l'éthique et la moralité sexuelle.


Lors de ses séjours à Paris entre 1889 et 1892, Munch fut influencé par les symbolistes Vincent van Gogh et surtout Paul Gauguin ; c'est à cette époque qu'il établit son style linéaire nerveux caractéristique. En 1892, il fut invité à exposer au Kunstlerverein (Union des artistes) de Berlin et son travail provoqua un tel tollé dans la presse que l'exposition fut fermée au bout d'une semaine, ce qui conduisit à la formation de la Sécession de Berlin en 1899.


Le scandale le rendit célèbre du jour au lendemain en Allemagne, alors Munch s'y installa et de 1892 à 1908 vécut principalement à Berlin avec de fréquents séjours en Norvège et des visites également en France et en Italie. À Berlin, il s'est associé à des écrivains tels que Richard Dehmel et August Strindberg et a créé des œuvres mettant en vedette ses thèmes récurrents de conscience sexuelle, de maladie, de jalousie et de folie. Ces œuvres intenses et troublantes reflétaient non seulement les préoccupations symbolistes mais aussi les difficultés de Munch découlant de sa propre enfance traumatisante au cours de laquelle sa mère et sa sœur sont mortes et son père est presque devenu fou. À Berlin, il réalise ses premières estampes, les lithographies et les gravures sur bois devenant tout aussi importantes pour ses peintures.


Dans les années 1890, Munch se consacre à une ambitieuse série multi-toiles intitulée La Frise de la vie. Même si la série n’a jamais été achevée, les vingt-deux toiles produites par Munch prolongent son exploration obsessionnelle de la sexualité et de la mortalité. La Frise de la vie comprenait l'image emblématique de l'angoisse moderne de Munch, Le Cri ; comme pour beaucoup de ses tableaux, il en a créé plusieurs versions. Une partie de la série a été traduite par Munch en gravure, lithographie ou gravure sur bois. Les gravures sur bois (souvent en couleurs) sont particulièrement impressionnantes, exploitant le grain du bois pour contribuer à leur vigueur rugueuse et intense.


En 1908, il souffrit d'une dépression nerveuse, héritage d'une forte consommation d'alcool, d'un surmenage et d'une misérable histoire d'amour. Après sa réhabilitation en 1909, il retourna définitivement en Norvège, abandonnant délibérément ses thèmes dérangeants dans le cadre de sa guérison. Il s'est largement détourné des images de désespoir et d'angoisse intimes et a créé des peintures plus colorées et optimistes. Son travail est devenu plus extraverti, sa palette plus lumineuse et ses thèmes plus optimistes, même si ses autoportraits ont conservé leur intensité d'antan. Après 1916, Munch devint de plus en plus solitaire et son travail retrouva une partie de son urgence antérieure. La grande réussite de cette période est une série de grandes peintures à l'huile pour l'Université d'Oslo (1910-15), exaltant les forces positives de la nature, de la science et de l'histoire.


En 1916, il s'installe à Ekely, près d'Oslo, menant désormais une vie solitaire. À sa mort, il laisse plus de 20 000 œuvres à la ville d'Oslo pour créer le musée Munch.


Du vivant de Munch, son travail a été exposé à de nombreuses reprises à Oslo, Prague, Stockholm et dans des villes allemandes.


Le tableau

Au premier plan, un homme est assis sur la plage, la tête appuyée sur sa main. En arrière-plan, un couple marche sur un ponton et se prépare à une excursion en bateau. Les couleurs soulignent l'ambiance mélancolique de la scène. Munch a traité ainsi la malheureuse histoire d'amour de son ami Jappe Nilssen avec une femme mariée, Oda Krohg, reflet de sa propre liaison passée avec une femme mariée. Le personnage mélancolique est donc associé aussi bien à son ami qu'à lui-même. Mélancolie est considéré comme l'un des premiers tableaux symbolistes du peintre norvégien ; il fait partie de sa Frise de la Vie.


Dans un texte probablement écrit au début des années 1890, Munch retrace l'ambiance du tableau : « C'était le soir. Je marchais le long de la mer, le clair de lune perçait à, travers les nuages. » Un homme marche aux côtés de sa femme jusqu'à ce qu'il réalise qu'il s'agit d'une illusion des sens et que la femme est loin. Soudain il croit reconnaître sur un long quai, « un homme et une femme, ils marchent jusqu'à un bateau jaune dans lequel un homme tient des rames ». La démarche de la femme lui rappelle cette femme qu'il sait pourtant à de nombreux kilomètres. « Le couple descend dans le bateau, lui d'abord puis elle. » Ils naviguent jusqu'à une île et l'homme imagine comment ils marchent bras dessous bras dessus alors qu'il reste seul. « Le bateau est de plus en plus petit — les rames claquent sur la surface de l'eau —, j'étais seul — les vagues glissaient jusqu'à lui et venaient mourir sur le rocher. Mais là-bas en pleine mer, l'île semblait rieuse dans la tiède nuit d'été. » (Arne Eggum, « Melancholie », dans Edvard Munch. Liebe, Angst, Tod, Kunsthalle Bielefeld, Bielefeld, 1980)


Ce que je vois

L’histoire du tableau et sa description viennent d’être faites. Cependant, je voudrais souligner un aspect qui me semble essentiel : l’homme tourne le dos au bonheur ! Derrière lui, ce couple sur la jetée. Ils sont heureux, ils vont aller en mer bras dessus bras dessous, alors que lui se sent seul, abandonné. Tout semble s’enténébrer, même les cieux de ce paysage pourtant romantique : on se croirait sur la côte bretonne avec ces rochers et cette maison au pignon blanc. Et plus que de la mélancolie, que Victor Hugo désignait ainsi : « La mélancolie, c’est le bonheur d’être triste », je parlerais ici


Qu’est-ce que l’acédie ?

Avant Grégoire le Grand, les péchés capitaux étaient au nombre de huit : la gloutonnerie, l’avarice, la fornication, la colère, la tristesse, l’acédie, la vaine gloire et l’orgueil. Grégoire le Grand a déclaré la superbe reine des vices, a supprimé l’acédie et l’a remplacée par l’envie. On en est donc arrivé aux sept péchés que nous connaissons aujourd’hui. À un tel point que plus personne ne sait ce qu’est l’acédie, hormis le milieu monastique et les connaisseurs des Pères de l’Église. On ne peut que se réjouir de voir que le pape en a parlé lors d’une de ses catéchèses (en annexe).


Mais comment la définir ? Étymologiquement, ἀϰήδια (ou ἀκήδεια - akêdia, akêdéia) signifie en grec ancien : négligence, indifférence. Mais comment cela se traduit-il dans notre vie intérieure ? Le site de l’Église de France en parle ainsi :

C’est un mal de l’âme qui s’exprime par l’ennui, le dégoût pour la prière, la pénitence, la lecture spirituelle. L’acédie peut être une épreuve habituellement passagère, mais peut être aussi un état de l’âme qui devient une véritable torpeur spirituelle et la replie sur elle-même. C’est alors une maladie spirituelle.

Celui qui en a le mieux parlé est un moine du IVe siècle qui vécut dans le désert d’Égypte, Évagre le Pontique. C’est lui qui va définir les huit grandes maladies de l’âme, toutes liées au corps, que j’évoquais plus haut. Mais ses écrits (en particulier Praxis, Gnosis et Antirrhêtikos) s’adressent prioritairement au monde monastique.


Ainsi, tant les symptômes qu’il décrit que les remèdes envisagés sont vus dans la perspective de la vie du moine. Ce sera lui qui définira l’acédie comme le « démon de midi ». Mais comprenons bien ce qu’il met derrière cette locution, qui a prit un autre sens aujourd’hui. Pour Évagre, ce démon est celui qui vient saisir l’âme du moine aux heures de midi, qui lui font espérer de vite manger (un seul repas par jour normalement), d’expédier la prière, de repousser toute activité physique et spirituelle, d’attendre langoureusement la satisfaction de ses besoins qu’il estime essentiel. Alors, tout le reste n’a, à ses yeux, que peu d’importance, au point que l’on pourrait traduire ce sentiment intérieur par un « À quoi bon… », voire un « Bof ! ».


Il va ainsi énumérer les cinq principales manifestations de l’acédie chez le moine. Rappelons-nous que le moine est seul, comme son nom l’indique (moine vient de monos, seul), et c’est donc un combat intérieur solitaire. Voici donc les cinq manifestations (je m’appuie sur le livre de Dom Jean-Charles Nault, Le démon de midi, L’échelle de Jacob, 2013) :


  1. Une certaine instabilité intérieure. Le moine ne tient pas en place, il a besoin de bouger, de changer. Il veut quitter sa cellule pensant que l’herbe est plus verte dans le champ du voisin !

  2. Le souci exagéré pour sa santé. Peur de manquer de nourriture, peur de mourir, peur d’avoir des maladies. Une sorte d’hypocondrie qui peut mener à la goinfrerie.

  3. L’aversion pour le travail manuel. Évagre en parlera ainsi : « L’acédie : une affection vague qui vous fait tourner en rond et mépriser tout entrain au travail. » Ne nous trompons pas, c’est plus que de la paresse ou de la procrastination, c’est un dégoût pour l’activité.

  4. La négligence dans les observances. Le moine ne respecte plus vraiment la règle monastique. Il ânonne les prières, lit sans attention la Parole de Dieu, manque d’application. C’est la tentation du « minimalisme », où tout semble « de trop », où l’on préfère bâcler ou ne pas terminer la tâche en cours. « Ça ira comme ça… »

  5. Le découragement général. Ça peut aller jusqu’à la dépression sévère. Se sentant abandonné, le moine préfère abandonner, et sa cellule, et sa vocation, et son combat spirituel. Évagre en parlera en termes choisis :

« L’âme, à cause des pensées d’inertie et d’acédie qui ont duré en elle, est devenue faible et fatiguée. Elle s’est évanouie dans son amertume, s’est consumée à cause de son abattement, qui est proche du désespoir à cause de la violence de ce démon, étant en rage et se comportant comme un enfant, avec larmes passionnées et gémissantes, et pour laquelle il n’y a nulle part de rafraîchissement. » (Antirrhêtikos, VI, 38)

Rassurez-vous, Évagre donne aussi les remèdes ! Mais j’y viendrai plus tard. Pour le moment, je voudrais souligner deux choses.


La première est que ces manifestations peuvent parfois prendre un chemin inverse. Ainsi, au lieu de la gloutonnerie, ce sera l’anorexie. L’hypocondrie peut laisser place à la débauche corporelle, la paresse à l’activisme, la négligence au carcan des obligations qu’on s’impose, et le découragement à une euphorie proche de l’ivresse. La manifestation se situe toujours dans la démesure, positive ou négative. Le Père Sevin disait que « Démesure n’est point vaillance ».


La seconde est que cette acédie est peut-être le mal le plus flagrant de notre époque. Dom Nault écrira en sous-titre de son livre qu’elle est « le mal obscur de notre temps. » Ne prend-elle pas une forme diverse de la vie monastique mais tout autant dangereuse ? Quelques exemples ?


  • Perte du sens,

  • Tentation du désespoir,

  • Besoin perpétuel de changer,

  • Fuite de soi-même et de Dieu,

  • Refus de sa propre grandeur,

  • Tristesse en face du bien, voire refus,

  • Tentation du doute,

  • Culte de la distraction et des compensations,

  • Médiocrité et mensonges éhontés…


Un psaume messianique

J’en viens enfin au psaume de ce jour. Il est dommage, une fois de plus et certainement sous couvert de ne pas être trop long pour les fidèles, qu’on en ait retenu que les derniers versets. Les sortir de leur contexte, c’est un peu les anesthésier, les vider de leur substantifique moelle. Un peu à l’instar des éditions des « Sélections du Reader’s Digest » ! Lisons donc ce psaume dans son intégralité.

Je me dois de vous signaler en premier lieu que ce psaume est considéré comme messianique, c’est-à-dire qu’il est allégoriquement lié à la révélation du Christ.


Rappelons-nous que les Juifs les connaissent par cœur (comme les religieux) et que, dès qu’ils entendent le premier verset, le texte se déroule en leur mémoire. Ainsi, Jésus, sur la Croix (Mt 27, 46) : « Vers la neuvième heure, Jésus cria d’une voix forte : « Éli, Éli, lema sabactani ? », ce qui veut dire : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » montre indirectement aux Juifs que le psaume se réalise :


07 Et moi, je suis un ver, pas un homme, raillé par les gens, rejeté par le peuple.

08 Tous ceux qui me voient me bafouent, ils ricanent et hochent la tête :

09 « Il comptait sur le Seigneur : qu'il le délivre ! Qu'il le sauve, puisqu'il est son ami ! »

13 Des fauves nombreux me cernent, des taureaux de Basan m'encerclent.

14 Des lions qui déchirent et rugissent ouvrent leur gueule contre moi.

15 Je suis comme l'eau qui se répand, tous mes membres se disloquent. Mon coeur est comme la cire, il fond au milieu de mes entrailles.

16 Ma vigueur a séché comme l'argile, ma langue colle à mon palais. Tu me mènes à la poussière de la mort.

17 Oui, des chiens me cernent, une bande de vauriens m'entoure. Ils me percent les mains et les pieds ;

18 je peux compter tous mes os. Ces gens me voient, ils me regardent.

19 Ils partagent entre eux mes habits et tirent au sort mon vêtement.


Mais allons plus loin. Car ce psaume, en plus d’être messianique, est la parole d’un homme, la parole que chacun de nous pourrait prononcer. Et en cela, il peut aussi nous éclairer sur notre propre acédie.


Psaume et acédie

En effet, ne pouvons-nous pas y retrouver les cinq manifestations de l’acédie ?


  1. L’instabilité intérieure, la volonté de fuir : 06 Quand ils criaient vers toi, ils échappaient ; en toi ils espéraient et n'étaient pas déçus.

  2. Le souci exagéré pour sa santé : 15 Je suis comme l'eau qui se répand, tous mes membres se disloquent. Mon coeur est comme la cire, il fond au milieu de mes entrailles. 16 Ma vigueur a séché comme l'argile, ma langue colle à mon palais. Tu me mènes à la poussière de la mort. 18 je peux compter tous mes os. Ces gens me voient, ils me regardent.

  3. L’aversion pour le travail manuel. Moins évident !

  4. La négligence dans les observances. 06 Quand ils criaient vers toi, ils échappaient ; en toi ils espéraient et n'étaient pas déçus. Et quand ils ne criaient pas ?

  5. Le découragement général. C’est certainement le climat qui traverse le plus le psaume jusqu’au verset 22, et ce, dès le premier verset : 02 Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? Le salut est loin de moi, loin des mots que je rugis.

Et si je reprends les termes appliqués à notre époque, on ressent clairement une « tentation du désespoir » comme le titrait Georges Bernanos dans Sous le soleil de Satan.


Mais le psaume, à partir de ce verset 22, change de ton : Tu m'as répondu ! 23 Et je proclame ton nom devant mes frères, je te loue en pleine assemblée. Notre condamné aurait-il trouvé les remèdes à son acédie ? Retournons voir Évagre le Pontique…


Les remèdes

  • Contre l’instabilité, Évagre recommande la persévérance. C’est-à-dire ne rien changer, coûte que coûte, à ce que j’avais fixé auparavant comme règle de vie. La stabilité physique est destinée à soutenir la stabilité du cœur. Ignace de Loyola dira la même chose (5e règle, n°318) :

Il importe, au temps de la désolation, de ne faire aucun changement, mais de demeurer ferme et constant dans ses résolutions et dans la détermination où l’on était avant la désolation, ou au temps même de la consolation. Car, comme ordinairement le Bon Esprit qui nous guide et nous conseille dans la consolation ; ainsi dans la désolation est-ce le mauvais esprit, sous l’inspiration duquel nous ne pouvons prendre un chemin qui nous conduise à une bonne fin.

Évagre, lui, précise :

« La constance guérit de l'acédie, comme aussi tout faire avec le plus grand soin, et la crainte de Dieu. Fixe-toi une mesure pour ton travail. Ne le quitte pas que tu ne l'aies d'abord achevé » (Huit esprits 14).

  • Contre l’hypocondrie, Évagre invite l’homme à prendre conscience qu’il est mortel. Mais la mort n’est pas vue comme une fin, mais comme une ouverture sur une vie éternelle. Ainsi écrit-il (Praxis, 29) :

Voici ce que disait notre maître saint et très pratique : « Il faut que le moine se tienne toujours prêt, comme s'il devait mourir le lendemain, et, inversement, qu'il use de son corps comme s'il devait vivre avec lui de nombreuses années. Cela, en effet, disait-il, d'un côté, retranche les pensées de l'acédie et rend le moine plus zélé, de l'autre, garde son corps en bonne santé, et maintient toujours égale son abstinence. »

  • Contre l’aversion à l’effort, Évagre recommande… de travailler physiquement, dans une activité simple, physique, voire répétitive, on laisse l’esprit libre de vaquer vers le Seigneur. Saint Benoît précisera dans sa Règle (chapitre 48) ce qui deviendra la devise des bénédictins : Ora et Labora, travaille et prie :

La paresse est l'ennemie de l'âme. Aussi, à certains moments, les frères doivent être occupés à travailler de leurs mains. A d'autres moments, ils doivent être occupés à la lecture de la Parole de Dieu.

Ou alors, cet apophtegme :

« Le saint abbé Antoine était assis dans le désert. Il tomba en acédie. Dans un grand obscurcissement de pensées, il dit à Dieu : Seigneur, je veux être sauvé, mais mes pensées ne me lâchent pas. Que faire en ma tribulation ? Comment serai-je donc sauvé ? S'étant écarté au dehors, Antoine voit quelqu'un comme lui assis et travaillant, puis se levant de son travail et priant, puis à nouveau assis et tressant sa corde, et ensuite à nouveau, se levant pour la prière. C'était un ange du Seigneur envoyé pour redresser Antoine et pour l'empêcher de faire un faux pas. Et il entendit l'ange lui dire : Fais ceci et tu seras sauvé. Lui, entendant cela, en eut beaucoup de joie et de courage, et, faisant cela, il fut sauvé ».

  • Contre la négligence dans l’observance, Évagre recommandera la persévérance, un surcroît de fidélité. Tenir et durer devrait en être la devise ! Un apophtegme le dit autrement :

« Si tu as faim, mange ; si tu as envie de dormir, dors ; mais ne quitte pas ta cellule ! »

Évagre ajoutera :

Sois attentif au travail manuel, et ceci, si possible, de nuit comme de jour, pour n'être à la charge de personne, mais aussi, surtout, afin d'en donner une part [aux autres], comme y engage par sa parole le saint apôtre Paul [1 Th 2, 9 et 2 Th 3, 8], et surtout dans l'intention précise de vaincre le démon de l'acédie, et d'écarter toutes les autres convoitises de l'ennemi. Le démon de l'acédie, en effet, talonne la paresse, et "tout oisif est dans les désirs", comme il est dit ».

  • Et enfin, contre le découragement général, Évagre invite à recourir avec force à la prière. Et celle-ci prend diverses formes, que ce soit la méditation des Écritures (et particulièrement des psaumes), du travail silencieux où la méditation prend sa place, de la participation aux sacrements et aux offices, et mêmes aux larmes. En voici une explication :

« Lorsque nous nous heurtons au démon de l'acédie, alors avec des larmes, divisons notre âme en deux parties, une qui console et l'autre qui est consolée, et semant en nous de bons espoirs, prononçons avec saint David cette incantation : Pourquoi es-tu triste, ô mon âme, pourquoi me troubles-tu ? Espère en Dieu, car je le louerai, lui le salut de ma face et mon Dieu (Ps 41 (42)) » (Praktikos 27).

Les remèdes du psaume

Mais, en fait, lorsqu’on relie le psaume à la lumière de ces remèdes, on se rend compte que notre pauvre hère a combattu avec les bonnes armes :


22b Tu m'as répondu !

23 Et je proclame ton nom devant mes frères, je te loue en pleine assemblée.

24 Vous qui le craignez, louez le Seigneur, glorifiez-le, vous tous, descendants de Jacob, vous tous, redoutez-le, descendants d'Israël.

25 Car il n'a pas rejeté, il n'a pas réprouvé le malheureux dans sa misère ; il ne s'est pas voilé la face devant lui, mais il entend sa plainte.

26 Tu seras ma louange dans la grande assemblée ; devant ceux qui te craignent, je tiendrai mes promesses.

27 Les pauvres mangeront : ils seront rassasiés ; ils loueront le Seigneur, ceux qui le cherchent : « A vous, toujours, la vie et la joie ! »

28 La terre entière se souviendra et reviendra vers le Seigneur, chaque famille de nations se prosternera devant lui :

29 « Oui, au Seigneur la royauté, le pouvoir sur les nations ! »

30 Tous ceux qui festoyaient s'inclinent ; promis à la mort, ils plient en sa présence.

31 Et moi, je vis pour lui : ma descendance le servira ; on annoncera le Seigneur aux générations à venir.

32 On proclamera sa justice au peuple qui va naître : Voilà son oeuvre !


La méthode antirrhétîque

Je termine (presque) en abordant cette méthode proposée par Évagre. C’est, à mon goût, le remède le plus efficace contre l’acédie. Le mot « antirrhêtique » pourrait se traduire « contradiction ».  Je reprends ici ce qu’en écrit Dom jean-Charles Nault (ibid, page 28) :

Il s'agit d'employer, face à la tentation d'acédie, la méthode que le Christ a utilisée dans le désert contre Satan, c'est-à-dire l'utilisation d'un verset de l'Écriture pour confondre le diable. Évagre a écrit un ouvrage consacré à ce sujet et qui a pour nom, précisément, Antirrhêtikos. (…) Pour les huit vices principaux dont on a parlé plus haut, Évagre y précise toutes les phrases de l'Écriture que l'on peut utiliser pour résister au tentateur. (…) Le principe du recueil est simple : si la mauvaise pensée te dit telle chose, tu dois lui répondre tel verset de l'Écriture. Saint Benoît, dans sa Règle, reprendra ce principe en le formulant ainsi : « Briser contre le Christ les pensées mauvaises aussitôt qu'elles viennent à l'âme ». On retrouve ici l'interprétation spirituelle traditionnelle du psaume 136: « Ô Babylone misérable, heureux qui saisira tes enfants pour les briser contre le roc ». Babylone, c'est la cité du diable ; le rocher, c'est le Christ. Briser les enfants de Babylone contre le roc, c'est briser, dès qu'elles apparaissent et sont encore toute petites, les mauvaises pensées contre le Christ. Ici, c'est la force de la Parole qui vient nous aider dans le combat.

Pourquoi ne pas vous constituer un petit recueil de citations bibliques qui vous ont touchées. Voire de les apprendre par cœur ; elles seront utiles au moment du combat ! J’en conclus que la meilleure réponse à notre acédie est de s’armer de la Parole de Dieu — et une nouvelle fois, des Psaumes—, comme le Christ l’a fait devant le diable lors des tentations (Mt 4) et de combattre l’acédie en suivant les conseils de saint Paul (Ep 6, 10-18) :


10 Enfin, puisez votre énergie dans le Seigneur et dans la vigueur de sa force.

11 Revêtez l’équipement de combat donné par Dieu, afin de pouvoir tenir contre les manœuvres du diable.

12 Car nous ne luttons pas contre des êtres de sang et de chair, mais contre les Dominateurs de ce monde de ténèbres, les Principautés, les Souverainetés, les esprits du mal qui sont dans les régions célestes.

13 Pour cela, prenez l’équipement de combat donné par Dieu ; ainsi, vous pourrez résister quand viendra le jour du malheur, et tout mettre en œuvre pour tenir bon.

14 Oui, tenez bon, ayant autour des reins le ceinturon de la vérité, portant la cuirasse de la justice,

15 les pieds chaussés de l’ardeur à annoncer l’Évangile de la paix,

16 et ne quittant jamais le bouclier de la foi, qui vous permettra d’éteindre toutes les flèches enflammées du Mauvais.

17 Prenez le casque du salut et le glaive de l’Esprit, c’est-à-dire la parole de Dieu.

18 En toute circonstance, que l’Esprit vous donne de prier et de supplier : restez éveillés, soyez assidus à la supplication pour tous les fidèles.




Jean Climaque, l’échelle sainte

« Mes adversaires, dit l’acédie, sont la psalmodie et le travail manuel ; mon ennemie, la pensée de la mort ; mon meurtrier, la prière accompagnée de l’espérance certaine des biens futurs. »


Prière de Saint Dimitri de Rostov contre l’acédie

Dieu, Père de notre Seigneur Jésus-Christ, Père de miséricorde, et Dieu de toute consolation, consolateur dans chaque détresse ! Console toute personne affligée, triste, désespérée, accablée par l'esprit d'acédie. Chaque être humain a été créé par tes mains, par ta sagesse suprême. Tu as donné à chacun la sagesse, chacun a été élevé par ta droite, glorifié par ta miséricorde... Mais maintenant, ton châtiment paternel, sous forme d'une tristesse temporaire, a visité ceux que tu aimes. Tu punis avec compassion ceux que tu chéris, et tu vois leurs larmes ! Ainsi, après avoir châtié, aie pitié, et console notre tristesse ; transforme le chagrin en allégresse et dissipe notre tristesse par la joie ; émerveille-nous par ta grâce, ô Maitre sage, insondable dans tes jugements, Seigneur, béni dans tes œuvres pour les siècles des siècles, Amen.


Audience du pape François du 14 février 2024, Catéchèse - Les vices et les vertus : l’acédie

Parmi les vices capitaux, il en est un qui est souvent négligé, peut-être à cause de son nom que beaucoup ne comprennent pas : Je parle de l’acédie. C'est pourquoi, dans le catalogue des vices, le terme acédie est souvent remplacé par un autre beaucoup plus usité : la paresse. En réalité, la paresse est plus un effet qu'une cause. Lorsqu'une personne est oisive, indolente, apathique, nous disons qu'elle est paresseuse. Mais, comme l'enseigne la sagesse des anciens pères du désert, souvent la racine de cette paresse est l'acédie, qui signifie littéralement, en grec, "manque de soin".


C'est une tentation très dangereuse qu’il ne faut pas prendre à la légère. La personne qui en est victime est comme écrasée par une pulsion de mort : elle éprouve du dégoût pour tout, sa relation avec Dieu lui paraît ennuyeuse, et même les actes les plus saints, ceux qui dans le passé lui avaient réchauffé le cœur, lui semblent désormais tout à fait inutiles. La personne commence à regretter le temps qui passe et la jeunesse qui est irrémédiablement derrière elle.


L'acédie est définie comme le « démon de midi » : elle nous surprend au milieu de la journée, lorsque la fatigue est à son comble et que les heures à venir semblent monotones, impossibles à vivre. Dans une description célèbre, le moine Évagre représente ainsi cette tentation : « l’œil de celui qui est sous l’acédie cherche continuellement les fenêtres, et son esprit fantastique est habité de ses visiteurs. […] Quand il lit, celui qui est sous l’acédie bâille souvent et se laisse facilement gagner par le sommeil, il plisse les yeux, se frotte les mains et, détournant les yeux du livre, fixe le mur ; puis, les tournant à nouveau vers le livre, il lit encore un peu [...] ; enfin, baissant la tête, il dépose le livre en dessous, s’endort d’un sommeil léger, jusqu’à ce que la faim le réveille et le pousse à s’occuper de ses besoins » ; en conclusion, « celui qui est sous l’acédie n'accomplit pas avec sollicitude l'œuvre de Dieu » (Évagre le Pontique, Des huit esprits de malice, 14).


Les lecteurs contemporains voient dans ces descriptions quelque chose qui rappelle beaucoup le mal de la dépression, tant d'un point de vue psychologique que philosophique. En effet, pour ceux qui sont saisis par l'acédie, la vie perd son sens, prier devient ennuyeux, toute bataille semble dénuée de sens. Même si nous avions nourri des passions dans la jeunesse, elles nous paraissent aujourd'hui illogiques, des rêves qui ne nous ont pas rendus heureux. Alors on se laisse aller et la distraction, l'absence de pensée, apparaissent comme la seule issue : on aimerait être hébété, avoir l'esprit complètement vide... C'est un peu comme mourir par anticipation, et c’est déplorable.


Face à ce vice que l'on sait si dangereux, les maîtres de la spiritualité envisagent divers remèdes. Je voudrais signaler celui qui me semble le plus important et que j'appellerais la patience de la foi. Si, sous le fouet de l'acédie, le désir de l'homme est d'être "ailleurs", de fuir la réalité, il faut au contraire avoir le courage de rester et d'accueillir dans mon "ici et maintenant", dans ma situation telle qu'elle est, la présence de Dieu. Les moines disent que la cellule est pour eux le meilleur maître de vie, parce qu'elle est le lieu qui te parle concrètement et quotidiennement de ton histoire d'amour avec le Seigneur. Le démon de l'acédie veut détruire précisément cette joie simple de l'ici et maintenant, cette crainte reconnaissante de la réalité ; il veut te faire croire que tout est vain, que rien n'a de sens, qu'il ne vaut pas la peine de se préoccuper de rien ni de personne. Dans la vie, nous rencontrons des gens « sous l’emprise de l’acédie », des gens dont nous disons : « Mais qu’il est ennuyeux ! » et nous n’aimons pas être avec eux ; des personnes qui ont aussi une attitude d’ennui contagieuse. C’est l’acédie.


Combien de personnes, sous l'emprise de l’acédie, mues par une inquiétude sans visage, ont stupidement abandonné le chemin du bien qu'elles avaient emprunté ! L'acédie est une bataille décisive, qu'il faut gagner à tout prix. Et c'est une bataille qui n'a pas épargné même les saints, parce que dans tant de leurs diaires, il y a quelques pages qui révèlent des moments terribles, de véritables nuits de la foi, où tout semblait obscur. Ces saints et saintes nous enseignent à traverser la nuit dans la patience en acceptant la pauvreté de la foi. Ils nous ont recommandé, sous l'oppression de l’acédie, de tenir une plus petite mesure d'engagement, de nous fixer des objectifs plus accessibles, mais en même temps de résister et de persévérer en nous appuyant sur Jésus, qui jamais n’abandonne dans la tentation.


La foi, tourmentée par l'épreuve de l’acédie, ne perd pas sa valeur. Bien au contraire, c'est la vraie foi, la foi très humaine qui, malgré tout, malgré l’obscurité qui l'aveugle, croit encore humblement. C’est cette foi qui reste dans le cœur, comme les braises sous la cendre. Elle reste toujours. Et si l’un de nous tombe dans ce vice ou dans la tentation de l’acédie, qu’il s’efforce de regarder à l'intérieur de soi et d’entretenir les braises de la foi : c'est ainsi que l’on va de l'avant.

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