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Le Christ, Roi de l’Univers (A)

Dans le brouillard…






Le porteur de brebis,

Anonyme,

Chapiteau historié et sculpté du choeur et du transept, XIIe siècle,

Église Saint-Autremoine, Issoire (France)


Lecture du livre du prophète Ézékiel (Ez 34, 11-12.15-17)

Ainsi parle le Seigneur Dieu : Voici que moi-même, je m’occuperai de mes brebis, et je veillerai sur elles. Comme un berger veille sur les brebis de son troupeau quand elles sont dispersées, ainsi je veillerai sur mes brebis, et j’irai les délivrer dans tous les endroits où elles ont été dispersées un jour de nuages et de sombres nuées. C’est moi qui ferai paître mon troupeau, et c’est moi qui le ferai reposer, – oracle du Seigneur Dieu. La brebis perdue, je la chercherai ; l’égarée, je la ramènerai. Celle qui est blessée, je la panserai. Celle qui est malade, je lui rendrai des forces. Celle qui est grasse et vigoureuse, je la garderai, je la ferai paître selon le droit. Et toi, mon troupeau – ainsi parle le Seigneur Dieu –, voici que je vais juger entre brebis et brebis, entre les béliers et les boucs.


Psaume 22

Le Seigneur est mon berger :

je ne manque de rien.

Sur des prés d’herbe fraîche,

il me fait reposer.


Il me mène vers les eaux tranquilles

et me fait revivre ;

il me conduit par le juste chemin

pour l’honneur de son nom.


Si je traverse les ravins de la mort,

je ne crains aucun mal,

car tu es avec moi :

ton bâton me guide et me rassure.


Tu prépares la table pour moi

devant mes ennemis ;

tu répands le parfum sur ma tête,

ma coupe est débordante.


Grâce et bonheur m’accompagnent

tous les jours de ma vie ;

j’habiterai la maison du Seigneur

pour la durée de mes jours.


Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens (1 Co 15, 20-26.28)

Frères, le Christ est ressuscité d’entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis. Car, la mort étant venue par un homme, c’est par un homme aussi que vient la résurrection des morts. En effet, de même que tous les hommes meurent en Adam, de même c’est dans le Christ que tous recevront la vie, mais chacun à son rang : en premier, le Christ, et ensuite, lors du retour du Christ, ceux qui lui appartiennent. Alors, tout sera achevé, quand le Christ remettra le pouvoir royal à Dieu son Père, après avoir anéanti, parmi les êtres célestes, toute Principauté, toute Souveraineté et Puissance. Car c’est lui qui doit régner jusqu’au jour où Dieu aura mis sous ses pieds tous ses ennemis. Et le dernier ennemi qui sera anéanti, c’est la mort. Et, quand tout sera mis sous le pouvoir du Fils, lui-même se mettra alors sous le pouvoir du Père qui lui aura tout soumis, et ainsi, Dieu sera tout en tous.


Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 25, 31-46)

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs : il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche. « Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : “Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !” Alors les justes lui répondront : “Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu… ? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ? tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? tu étais nu, et nous t’avons habillé ? tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ?” Et le Roi leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.” « Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : “Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges. Car j’avais faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’avais soif, et vous ne m’avez pas donné à boire ; j’étais un étranger, et vous ne m’avez pas accueilli ; j’étais nu, et vous ne m’avez pas habillé ; j’étais malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité.” Alors ils répondront, eux aussi : “Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, avoir soif, être nu, étranger, malade ou en prison, sans nous mettre à ton service ?” Il leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait.” « Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle. »


L’abbatiale Saint-Austremoine

L'abbatiale Saint-Austremoine d'Issoire a été construite au XIIe siècle. Une date plus précise est impossible car le chartrier du monastère dont elle relevait a été brûlé par les troupes à la solde des protestants en 1575. L'histoire de l'abbatiale commence par un très ancien monastère bénédictin, où la légende a sa part. Celle-ci mentionne le IIIe siècle, mais les historiens retiennent le IXe. Un document de l'an 927 parle d'une abbaye Saint-Austremoine. On trouve ensuite la trace d'une église dédiée à saint Pierre et saint Austremoine, ce qui nous porte au Xe siècle. La prospérité du petit monastère (vingt à trente moines) lui aurait néanmoins permis de reconstruire son église abbatiale au XIIe siècle en utilisant une partie de l'ancienne (le narthex actuel). Au XVe siècle, le nombre de moines est réduit - d'autorité - à vingt.


Les guerres de Religion répandent leur lot de destructions en Auvergne. Les protestants s'emparent d'Issoire en 1575, saccagent l'abbatiale en tuant quelques moines, détruisent chartrier et mobilier. Avec les combats de la Ligue (1585-1589), c'est la surenchère de destructions et d'appauvrissement. L'abbatiale ne s'en sortira pas. Au XVIIe siècle, la prospérité n'est plus qu'un souvenir et la ruine est au bout du chemin. Même si l'abbatiale rejoint la Congrégation de Saint-Maur en 1665, le manque de fonds empêche toute réparation sérieuse. La Révolution, en supprimant les ordres religieux, clôt l'histoire du monastère. Les bâtiments sont alors désaffectés et restent à l’abandon.


Le XIXe siècle va restaurer les édifices. Les bâtiments sont en partie transformés en collège. Quant à l'église (qui devient paroissiale), elle reprendra vie mais en plusieurs étapes. En 1835, elle est classée Monument historique et les premiers travaux peuvent commencer. En 1837, Mérimée voyage en Auvergne et inspecte le chantier.


Dans la décennie suivante, la restauration s'amplifie : la façade occidentale est refaite, deux clochers sont ajoutés, le mur sud est reconstruit ; ensuite vient l'intérieur avec la colorisation intégrale de l'édifice par Dauvergne et Mayoli en 1859.


Les chapiteaux de la nef

Les chapiteaux de la nef ont, pour la plupart une décoration à feuillages (acanthe, marronnier, laurier, thym, etc.), quelquefois agrémentée de la présence d'un petit animal ou d'un masque perdu dans les feuilles. Cette incrustation correspond, pour Charles Terrasse dans son article du Congrès archéologique de France, au style romain. Les peintres de 1859, par leur choix de couleurs sobres, ont mis en avant tous les reliefs décoratifs. En 1837, Mérimée s'est montré très sévère dans sa description : « (...) le galbe corinthien domine, accompagné de feuillages barbares. » Aurait-il eu la même impression après la restauration de 1859 ? Il a néanmoins remarqué la présence de chapiteaux historiés intéressants : des griffons, des lions ailés, des oiseaux (peut-être des perroquets) ; des paysans tenant des épis ; des centaures tenant des lapins, d'autres des épis. Les centaures aux lapins méritent une précision : l'un des centaures brandit un glaive, l'autre montre vraisemblablement le produit de leur chasse. C'est une scène connue de l'art antique. Elle semble être unique dans la sculpture auvergnate.


Le transept recèle également quelques belles scènes dans les chapiteaux des piliers des absidioles (chapelle du Sacré-Cœur et chapelle Saint-Paul). L'Annonciation et la Luxure sont modernes : ils encadrent l'entrée de la chapelle Saint-Paul, au sud, qui est du XIXe siècle. En revanche, le chapiteau de Satan qui entraîne deux damnés et celui du Porteur de brebis sont du XIIe siècle.


Le porteur de brebis

Le porteur de brebis tire la langue sous l'effort. Peut-on y voir le Bon Pasteur ? Non. On trouve une explication de ce thème, très fréquent dans les églises auvergnates, dans la brochure éditée par la Paroisse, sous la plume de Pierre Balme (cité par Raoul Ollier) : « Les grotesques bonshommes de nos chapiteaux limagnais, peinant et succombant sous le poids d'une énorme bête, se rapportent à la légende du mouton noir, lutin ou drac, et à son porteur, puni pour sa convoitise. »


Autres hypothèses

  • Quand le berger tire la langue, on peut penser que ce serait une condamnation de l'idolâtrie. Mercure avait été l'objet d'un culte dans la région, il avait même eu un temple au sommet du Puy de Dôme et il en restait peut-être quelque chose. Or Hermès-Mercure était parfois représenté dans l'Antiquité portant un bélier sur les épaules  (voir l'Hermès criophore du Louvre).



  • Ou, il s'agirait d'une stigmatisation de ceux qui rechignaient à payer la dîme, dont on s'acquittait parfois en nature, et dans ce cas, cela rejoindrait la condamnation de l'avarice…

  • Ou, le berger vivant dans les prés, à la limite des bois, au contact de la terre, peut représenter toute l'ambiguïté des forces de la nature que l'homme porte aussi en lui-même.


Ce que je vois

Nous avons vu le chapiteau à l’entrée du transept montrant ce berger tirant la langue. Les hypothèses d’interprétation sont nombreuses…


Regardons plutôt l’autre chapiteau à l’entrée de l’abside. Deux bergers, jeunes et imberbes, portent sur leurs épaules une brebis. L’un des bergers est revêtu d’une tunique bleue serrée à la ceinture, l’autre rouge, mais il semble que ce sont des jumeaux ! Et le poids de la brebis, aussi imposante qu’eux, ne semble pas provoquer le moindre rictus de douleur. Notons que les arbres qui les séparent naissent d’une bouche.



En les voyant, je ne peux m’empêcher de penser au chapiteau inversé que l’on trouve à Constantinople (je me refuse à dire Istanbul) de la citerne-basilique, cette tête de méduse remployée comme base de colonne. Peut-être était-elle connue des artistes de l’époque qui devaient entendre les récits des croisés et des marchands…


Deux autres tableaux

Mon choix des oeuvres se fait une semaine avant la rédaction de l’homélie. Et en relisant les textes, je me suis dit qu’il serait bon d’illustrer la prophétie d’Ézékiel avec deux autres oeuvres, vous allez comprendre pourquoi !



Brume du matin au Bélieu

Émile Isenbart (Besançon, 1846 - Besançon, 1921)

Huile sur toile, 94 x 136 cm

Musée Gustave Courbet, Ornans (France)



Berger et son troupeau dans la brume

Antonin Richard (Chalon-sur-Saône, 1822 - Chalon-sur-Saône, 1891)

Huile sur bois, 13 x 30 cm

Musée Vivant Denon, Chalon-sur-Saône (France)


Le troupeau

Un matin brumeux, le voile se lève à peine malgré les premiers rayons de soleil. Un berger qui tente de rassembler son troupeau, même si certaines bêtes lui échappent et partent gambader, profitant d’un instant de liberté. Mais le berger veille. Il n’est pas devant son troupeau, mais derrière. Il sur-veille, il veille par-dessus ses bêtes, ce qu’il ne pourrait faire s’il marchait devant. Car il reste prêt à agir en cas de danger, que ce soit pour sortir une brebis tomber dans une combe, ou une autre enlisée dans le marécage, ou simplement, comme sur le chapiteau de Saint-Austremoine, pour porter celle qui est blessée ou fatiguée. Il veille par dessus son troupeau, ce qui en grec se dit épiscope… Mais qui est donc cet « épiscope », ce berger ?


En exil

Remettons-nous dans le contexte de la parole d’Ézékiel. Le peuple a dû partir en exil à Babylone, et dans les coeurs, le découragement ronge peu à peu. « Reverrons-nous Jérusalem ? » se demande chacun. Car à Jérusalem, c’était le Temple et la Loi qui veillaient sur le peuple juif. Mais ici, sans perspective d’avenir, chacun est comme perdu dans un brouillard épais. Et le pire avec le brouillard, c’est que même de jour, on n’y voit rien, on n’a plus aucun repère. Et plus on remue les bras, plus il devient opaque. Comme le sable, il vous file entre les doigts, il est insaisissable. Nul ne sait exactement d’où il vient. Et ce brouillard dans les coeurs entraîne l’obscurité du regard, pas simplement physique mais aussi spirituel, voire de notre humanité. Les brebis sont dispersées, sans guide, sans but, sans espoir…


Aujourd’hui

Je viens de regarder la sortie du cercueil de ce jeune homme, Thomas, lâchement assassiné par une bande de racailles qui n’ont même pas le courage de reconnaître leurs actes. Voyant cette foule de gens, de braves gens, de gens simples mais honnêtes et droits, cette foule qui pleure ; ces jeunes amis du rugby qui portaient le corps de leur capitaine d’équipe ; sa famille éplorée mais digne ; et surtout l’absence de tout homme politique, d’un seul message de soutien de nos sportifs — pourtant si souvent réactifs quand un jeune (« un petit ange ») se fait tuer par la police leur tentant d’échapper — ni même de la Fédération française de rugby, je me dis que nous sommes en exil dans notre propre pays, désemparés, perdus dans le brouillard… Comme au temps d’Ézékiel, je me demande qui viendra réunir le troupeau dispersé, qui prendra la brebis malade sur ses épaules, qui veillera sur nous… Nous avons l’impression d’être dans l’obscurité, n’osant plus imaginer un avenir radieux que les plus anciens d’entre-nous ont effleuré durant les « trente glorieuses ».


Trouver un roi ?

C’est alors que j’entends différemment la première lecture de ce dimanche. Car nous aussi, nous aurions bien besoin d’un roi. Un roi qui incarnerait la probité, la charité pour son peuple, qui saurait nous guérir des écrouelles contemporaines, un roi qui guiderait son troupeau vers la prospérité et la paix. Mais cette royauté-là semble bien moribonde en France… Notre Église aussi fait le même rêve : probité, charité, miséricorde, prospérité, amour et paix. Pourtant nul pape, qui qu’il soit, ni un seul évêque ne pourrait tenir ce rôle. Et pour le comprendre, si vous en avez le temps, procurez-vous ce petit livre de Vladimir Soloviev écrit en 1899 : Trois entretiens sur la guerre, la morale et la religion, (Éditions Ad Solem, 2005) dont le troisième chapitre intitulé Court récit sur l’Antéchrist est d’une actualité criante. C’est même époustouflant !


Alors, où trouverons-nous ce roi pour nous sauver du mal qui rode jour et nuit, jusque dans nos campagnes, pour nous sortir du brouillard intellectuel dans lequel nos élites nous ont plongés, nous rassembler dans la paix quand la discorde prédomine, nous rendre la foi quand la confiance a disparu, nous apprendre la charité quand on nous vend la solidarité à sens unique, nous rendre l’espérance quand le seul espoir semble être la consommation du « black Friday » ? Un homme politique (ou une femme) ? Que nenni ! Un pape ? Que nenni ! Un religieux ou une religieuse ? Que nenni ! Un(e) philosophe ? Que nenni ! Un(e) révolutionnaire ? Doublement que nenni, me rappelant ce que disait Bernanos au sujet de Luther : « L'Église n'a pas besoin de réformateurs, mais de saints » (Georges Bernanos, Frère Martin). Car le saint, à défaut d’être roi, ce qu’il ne désire absolument pas, peut au moins être le chevalier du Roi. Une nouvelle fois, je vous remets en annexe la Prière des Chevaliers écrite par le père Jacques Sevin, jésuite : lisez-la, et même, relisez-la chaque jour…


Le Roi

Car ce Roi est déjà là, et c’est bien ainsi que nous le fêtons aujourd’hui : Solennité du Christ Roi de l’univers. Ce Roi nous est décrit dans l’oraison d’ouverture : « Dieu éternel et tout-puissant, tu as voulu récapituler toutes choses en ton Fils bien-aimé, le Roi de l’univers ; dans ta bonté, fais que, libérée de la servitude, toute la création serve ta gloire et chante sans fin ta louange. Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur. » Un Roi qui va libérer l’humanité de la servitude pour que tous les hommes se tournent vers sa Gloire et le chante unanimement. Ce Roi dont Ézékiel avait prophétisé la mission en trois grandes annonces pour nous extraire de notre brouillard et nous rendre l’espérance.


Il est notre Roi, et nous sommes son troupeau !

La première annonce est bien simple. Ne cherchons pas un roi parmi nous, nous n’en obtiendrions que des soucis. Il suffit de relire ce que le prophète Samuel avait prédit au peuple qui réclamait un souverain terrestre (1 Sam 8, 10-19) :

Samuel rapporta toutes les paroles du Seigneur au peuple qui lui demandait un roi. Et il dit : « Tels seront les droits du roi qui va régner sur vous. Vos fils, il les prendra, il les affectera à ses chars et à ses chevaux, et ils courront devant son char. Il les utilisera comme officiers de millier et comme officiers de cinquante hommes ; il les fera labourer et moissonner à son profit, fabriquer ses armes de guerre et les pièces de ses chars. Vos filles, il les prendra pour la préparation de ses parfums, pour sa cuisine et pour sa boulangerie. Les meilleurs de vos champs, de vos vignes et de vos oliveraies, il les prendra pour les donner à ses serviteurs. Sur vos cultures et vos vignes il prélèvera la dîme, pour la donner à ses dignitaires et à ses serviteurs. Les meilleurs de vos serviteurs, de vos servantes et de vos jeunes gens, ainsi que vos ânes, il les prendra et les fera travailler pour lui. Sur vos troupeaux, il prélèvera la dîme, et vous-mêmes deviendrez ses esclaves. Ce jour-là, vous pousserez des cris à cause du roi que vous aurez choisi, mais, ce jour-là, le Seigneur ne vous répondra pas ! » Le peuple refusa d’écouter Samuel et dit : « Non ! il nous faut un roi ! »

Et même nous, Français, qui avons eu tant de rois dans notre histoire, rappelons-nous qu’ils n’étaient qu’une « émanation terrestre » du Souverain Roi céleste. Car c’était Dieu qui les consacrait par l’onction sainte. Alors, après les affres de la Révolution, pour ne pas dire des révolutions, nous avons troqué un roi de droit divin, pour un Président de droit républicain (avec le côté amusant que le premier Président de la République était Prince-Président !). Mais aucune onction divine ne vient le consacrer… Et comment pourrait-il, et à quel titre, nous indiquer la morale à vivre, le chemin à suivre ? De quel droit ? Et donc, ce que nous constatons tous les jours, ce sont ceux qui terrorisent qui définissent le nouveau droit : la loi du plus fort… C’est curieux, ça me rappelle ce qu’écrivait un dictateur allemand voici bientôt un siècle… C’était même « son combat » ! Pardonnez-moi cette digression, mais la coupe est pleine !


J’en reviens à mon premier point : où est-il ce roi ? Au ciel, évidemment. Un roi qui aime son peuple, car nous sommes son troupeau : « C’est moi qui ferai paître mon troupeau, et c’est moi qui le ferai reposer ». C’est la première annonce : Il est notre Roi (j’oserai ajouter : que nous le voulions ou non !) L’unique question à ce stade est de savoir si nous voulons être de son troupeau… ou si, comme la société nous le laisse entendre, être catholique est une tare, et mérite le soupçon général… Une autre question : les ministres du Roi auront-ils le courage et l’audace de le défendre bec et ongles, osant défier le climat ambiant et annoncer ce et Celui qui nous fait vivre ? Je m’interroge…


Il rassemblera le troupeau dispersé

C’est la deuxième annonce : seul Lui peut réunir le troupeau dispersé. Mais si je reprends les mots du prophète, j’y vois une nuance essentielle. Le berger part à notre recherche : « La brebis perdue, je la chercherai ; l’égarée, je la ramènerai. Celle qui est blessée, je la panserai. Celle qui est malade, je lui rendrai des forces. » Voilà un message rassurant ! Nous sommes dans le brouillard ? Il vient dissiper les ténèbres. Comment ? Par sa Parole qui nous enseigne tout. Mais qui lit encore la Bible, qui médite encore les textes ? Nous sommes blessés ? Il viendra nous soigner. Comment ? Par la réconciliation. Mais qui se confesse encore ? Nous sommes malades devant cette société qui part à vau-l’eau ? Il viendra nous rendre des forces. Comment ? Par les sacrements. Mais qui va encore à la messe ? Et qui a encore le courage de ses convictions chrétiennes ? Rappelez-vous le message à l’Église de Laodicée (Ap 3, 15-16) : « Je connais tes actions, je sais que tu n’es ni froid ni brûlant – mieux vaudrait que tu sois ou froid ou brûlant. Aussi, puisque tu es tiède – ni brûlant ni froid – je vais te vomir de ma bouche. » Oups ! « Lorsque nous mettons des mots sur les maux, les dits maux deviennent des mots dits et cessent d'être maudits. » disait le psychanalyste jungien Guy Corneau. Alors, les catholiques (et leurs édiles) auront-ils le courage de nommer les maux pour combattre la faiblesse ambiante et retrouver un peu de force de conviction ?


Et puis, dernière interrogation : tous veulent-ils être sauvés ? Combien ont choisi de se disperser par eux-mêmes ? Le Christ, le bon berger, les prévient : « Et toi, mon troupeau – ainsi parle le Seigneur Dieu –, voici que je vais juger entre brebis et brebis, entre les béliers et les boucs. » À nous de choisir !


Il sera notre berger !

« Voici que moi-même, je m’occuperai de mes brebis, et je veillerai sur elles. » C’est bien une promesse de bonheur. Mais n’oublions pas que le berger, pour être efficace, rassembler son troupeau et faire fuir les prédateurs, se munit de son bâton. Ce bâton qui l’accompagne dans la marche de son troupeau, ramenant la bête distraite au sein du groupe et aidant son peuple ; mais aussi le bâton qui éloigne les indésirables, qui sépare les brebis des boucs et frappe la bête sauvage. Sollicitude et fermeté. N’est-ce pas ce dont nous avons besoin ? Sollicitude, miséricorde, amour et paix. Fermeté devant le nuisible ou le rebelle. Car croire que toutes les brebis sont des moutons de Panurge, ou de pauvres bêtes sans défense, voire des sauvages irresponsables (« Ce n’est pas leur faute, c’est la société, ou leur famille, ou tant d’autres raisons probables qu’il faut excuser… » — notez qu’il faut excuser, mais jamais on n’entend le mot pardonner), et donc des sauvages irresponsables à éduquer, c’est tomber sous le coup de ce que dénonçait Albert Camus en 1944 : « Mal nommer un objet, c'est ajouter au malheur de ce monde ».


Être du troupeau ?

Il n’en reste pas moins une question : comment être de ce troupeau ? D’abord, vous en êtes déjà membre par votre baptême et votre confirmation (si ce n’est le cas, il est toujours temps de rectifier le tir !) Si vous vous sentez dans le brouillard, ouvrez les Écritures. Si vous êtes perdu, criez et il vous entendra (utilisez les psaumes, par exemple). On devrait toujours avoir un psautier sur sa table de nuit ! Si vous êtes enfermé dans un endroit obscur, allez vous confesser et vous retrouverez lumière intérieure et clarté sur le visage. Si vous êtes faible, allez communier, vous retrouverez des forces. Et si vous êtes gras et vigoureux, alors, c’est que vous savez donner du temps à la prière ! Et en ce cas, aucune crainte à avoir au jour du Jugement.



Sermon 46 de saint Augustin sur les pasteurs (extrait)

« Toute notre espérance est dans le Christ, et toute notre gloire véritable et salutaire, c’est lui-même : ce n’est pas la première fois que votre charité reçoit cet enseignement. Car vous êtes dans le troupeau de celui qui veille sur Israël comme son berger. Mais, parce qu’il y a des pasteurs qui veulent recevoir ce nom alors qu’ils ne veulent pas remplir l’office de pasteurs, rappelons ce qui leur est dit par le prophète Ézéchiel. ~ Écoutez avec attention ; quant à nous, écoutons avec crainte.


La parole du Seigneur me fut adressée : Fils d’homme, prophétise sur les pasteurs d’Israël et parle-leur. Vous avez entendu faire cette lecture tout à l’heure ; c’est pourquoi nous avons décidé d’en parler avec vous. Dieu nous aidera à dire des choses vraies, du moment que nous ne disons pas des choses tirées de nous-même. Car si ce que nous disons est tiré de nous-même, nous serons pasteur pour nous-même et non pour les brebis ; au contraire, si ce que nous disons vient de lui, c’est lui qui est notre pasteur, quel que soit l’intermédiaire.


Voici ce que dit le Seigneur Dieu : Malheureux pasteurs d’Israël, qui sont pasteurs pour eux seuls ! Ne sont- ils pas les bergers des brebis ? C’est-à-dire que les vrais bergers ne cherchent pas à assurer leur propre nourriture, mais celle des brebis. Le premier motif de reproche adressé à ces mauvais pasteurs, c’est qu’ils nourrissent eux-mêmes, et non pas les brebis. Qui sont-ils ? Ceux dont l’Apôtre a dit : Tous cherchent leurs propres intérêts, non ceux de Jésus Christ.


Quant à nous, nous occupons cette fonction qui oblige à une dangereuse reddition de comptes, parce que le Seigneur nous y a placé non pas selon notre mérite, mais par condescendance. Et nous devons faire une distinction nette entre deux choses : l’une, c’est que nous sommes chrétien ; l’autre, c’est que nous sommes évêque. Que nous soyons chrétien, c’est pour nous ; que nous soyons évêque, c’est pour vous. En tant que chrétien, nous devons veiller à notre propre avantage ; en tant qu’évêque, à votre avantage uniquement.


Beaucoup sont chrétiens sans être évêques ; ils arrivent à Dieu par un chemin peut-être plus facile et ils marchent sans doute avec une allure d’autant plus dégagée qu’ils portent un moindre fardeau. »


Si vous voulez lire l’ensemble du sermon, courage, vous le trouverez ici : https://www.clerus.org/bibliaclerusonline/es/dm5.htm


Prière des chevaliers

Seigneur Jésus, de qui descend toute noblesse et toute chevalerie, apprenez-nous à servir noblement.


Que notre fait ne soit point parade ni littérature, mais loyal ministère et sacrifice coûteux.


Tenez nos âmes hautes, tout près de Vous, dans le dédain des marchandages, des calculs et des dévouements à bon marché.


Car nous voulons gagner notre paradis non pas en commerçants, mais à la pointe de notre épée, laquelle se termine en croix, et ce n'est pas pour rien.


Nous avons fait de beaux rêves pour Votre amour dans l'obscurité des journées banales, préparez-nous aux grandes choses par le fidélité aux petites et enseignez-nous que la plus fière épopée est de conquérir notre âme et de devenir des saints.


Nous n'avons pas visé moins haut, Seigneur, et nous sommes bien ambitieux, mais heureusement nous sommes faibles et cette grâce, nous l'espérons de Votre miséricorde, nous conservera humbles.


Demandez-nous beaucoup, et aidez-nous ô Vous donner davantage.


Et puisque nous sommes livrés à Vous, ne Vous gênez pas pour nous prendre au mot et pour nous sacrifier :


Nous Vous le demandons malgré le tremblement de notre chair, car nous voulons n'avoir qu'une crainte, celle de ne pas Vous aimer assez.


Et quand, au soir de notre dernière bataille, Votre voix de Chef sonnera le ralliement de tous Vos chevaliers, faites, Seigneur, c'est notre suprême prière, faites que notre mort serve à quelque chose, et accordez-nous la grâce de mourir debout. Ainsi soit-il.

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