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XXXIIIe dimanche du temps ordinaire (A)

La femme parfaite ! -



Couverture de missel,

Anonyme,

Ivoire taillé, découpé et chevillé, 14 x 8, 8 x 3 cm, XVIIe siècle,

Musée du pays du Hanau, Bouxwiller (France)


Lecture du livre des Proverbes (Pr 31, 10-13.19-20.30-31)

Une femme parfaite, qui la trouvera ? Elle est précieuse plus que les perles ! Son mari peut lui faire confiance : il ne manquera pas de ressources. Elle fait son bonheur, et non pas sa ruine, tous les jours de sa vie. Elle sait choisir la laine et le lin, et ses mains travaillent volontiers. Elle tend la main vers la quenouille, ses doigts dirigent le fuseau. Ses doigts s’ouvrent en faveur du pauvre, elle tend la main au malheureux. Le charme est trompeur et la beauté s’évanouit ; seule, la femme qui craint le Seigneur mérite la louange. Célébrez-la pour les fruits de son travail: et qu’aux portes de la ville, ses œuvres disent sa louange !


Psaume 127

Heureux qui craint le Seigneur

et marche selon ses voies !

Tu te nourriras du travail de tes mains :

Heureux es-tu ! À toi, le bonheur !


Ta femme sera dans ta maison

comme une vigne généreuse,

et tes fils, autour de la table,

comme des plants d’olivier.


Voilà comment sera béni

l’homme qui craint le Seigneur.

De Sion, que le Seigneur te bénisse !

Tu verras le bonheur de Jérusalem

tous les jours de ta vie.


Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Thessaloniciens (1 Th 5, 1-6)

Pour ce qui est des temps et des moments de la venue du Seigneur, vous n’avez pas besoin, frères, que je vous en parle dans ma lettre. Vous savez très bien que le jour du Seigneur vient comme un voleur dans la nuit. Quand les gens diront : « Quelle paix! quelle tranquillité ! », c’est alors que, tout à coup, la catastrophe s’abattra sur eux, comme les douleurs sur la femme enceinte : ils ne pourront pas y échapper. Mais vous, frères, comme vous n’êtes pas dans les ténèbres, ce jour ne vous surprendra pas comme un voleur. En effet, vous êtes tous des fils de la lumière, des fils du jour ; nous n’appartenons pas à la nuit et aux ténèbres. Alors, ne restons pas endormis comme les autres, mais soyons vigilants et restons sobres.


Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 25, 14-30)

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples cette parabole : « C’est comme un homme qui partait en voyage : il appela ses serviteurs et leur confia ses biens. À l’un il remit une somme de cinq talents, à un autre deux talents, au troisième un seul talent, à chacun selon ses capacités. Puis il partit. « Aussitôt, celui qui avait reçu les cinq talents s’en alla pour les faire valoir et en gagna cinq autres. De même, celui qui avait reçu deux talents en gagna deux autres. Mais celui qui n’en avait reçu qu’un alla creuser la terre et cacha l’argent de son maître. « Longtemps après, le maître de ces serviteurs revint et il leur demanda des comptes. Celui qui avait reçu cinq talents s’approcha, présenta cinq autres talents et dit : “Seigneur, tu m’as confié cinq talents ; voilà, j’en ai gagné cinq autres.” Son maître lui déclara : “Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton seigneur.” « Celui qui avait reçu deux talents s’approcha aussi et dit : “Seigneur, tu m’as confié deux talents ; voilà, j’en ai gagné deux autres.” Son maître lui déclara : “Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton seigneur.” Celui qui avait reçu un seul talent s’approcha aussi et dit : “Seigneur, je savais que tu es un homme dur : tu moissonnes là où tu n’as pas semé, tu ramasses là où tu n’as pas répandu le grain. J’ai eu peur, et je suis allé cacher ton talent dans la terre. Le voici. Tu as ce qui t’appartient.” Son maître lui répliqua : “Serviteur mauvais et paresseux, tu savais que je moissonne là où je n’ai pas semé, que je ramasse le grain là où je ne l’ai pas répandu. Alors, il fallait placer mon argent à la banque ; et, à mon retour, je l’aurais retrouvé avec les intérêts. Enlevez-lui donc son talent et donnez-le à celui qui en a dix. À celui qui a, on donnera encore, et il sera dans l’abondance ; mais celui qui n’a rien se verra enlever même ce qu’il a. Quant à ce serviteur bon à rien, jetez-le dans les ténèbres extérieures ; là, il y aura des pleurs et des grincements de dents !” »


L’objet

Chacune de ces plaques en ivoire ajourée est constituée de deux planchettes aux angles tronqués assemblées par une fine baguette collée sur lesquelles est chevillée une applique verticale sculptée en mi-relief.


C’est un objet assez luxueux. Seule une personne riche pouvait s’offrir ce genre de couverture en ivoire sculpté. Il semble que ce missel ait appartenu à un des membres de la famille Hartmann. Les Hartmann ont régné sur la vallée de Munster pendant près d’un siècle et demi. Industriels dans les tissages, mécènes et hommes politiques influents, ils ont transformé en profondeur la vie des habitants, modernisant la ville et désenclavant la vallée en l’ouvrant aux innovations techniques.


Ce que je vois

Le dos de missel représente la scène de la crucifixion. On y voit un garde tenant sa lance devant un ange aux ailes croisées portant la croix. À droite, une femme agenouillée tient une oeuvre de broderie. À gauche, l’autre femme assise tient une quenouille. Aux écoinçons, le Tétramorphe : l’ange de Matthieu, le lion de saint Marc, le taureau de saint Luc et l’aigle de saint Jean. Notons en bas cet arbre qui semble se terminer par la croix tenue par l’ange.


Sur l’autre plaque, le Christ tenant un livre ouvert sur l’Alpha et l’Oméga, dans une mandorle, bénit de la main droite. En haut, deux anges de l’Apocalypse soufflent de la trompette. En bas, à gauche, Moïse (avec ses cornes) tient les Tables de la Loi. De l’autre côté, Jean-Baptiste désigne du doigt le Sauveur.


Deux femmes, l’une se préparant à filer, et l’autre brodant, se tiennent au pied de la croix. Sont-ce des femmes parfaites ?


Égalité ou uniformité

On taxe souvent l’Église d’être misogyne, à la suite de propos tenus dans la Bible. Bien sûr, Paul a parfois la dent dure sur les femmes ! Mais, comme pour tout, il faut replacer les choses dans leur contexte : la société biblique est une société patriarcale, comme tant d’autres à l’époque (il suffit de penser à la place des femmes chez les Romains ou les Grecs). Mais désigner l’homme comme le chef de famille ne veut pas pour autant dire dénigrer la place des femmes. Une nouvelle fois, on confond égalité avec uniformité. Car l’homme et la femme sont différents. Et cette différence, pour reprendre la distinction du Concile Vatican II, n’est pas de degré (l’un serait supérieur à l’autre), mais de nature : les deux n’ont pas les mêmes fonctions, ce qui n’empêche leur égalité de degré. Bien sûr, depuis plus d’un siècle, les femmes (à juste titre) revendiquent leur véritable place dans la société, et l’on a pu constater les énormes progrès à ce sujet — il faut attendre 1946 en France pour que les femmes puissent voter, et 1965 pour qu’elles puissent ouvrir un compte en banque à leur nom ! — Il reste encore bien des disparités à faire disparaître, comme l’égalité des salaires, par exemple. Mais nier la différence des deux natures, nier la différence sexuelle, voire physiologique, comme le prône quotidiennement le mouvement wokiste, c’est engendrer de nouveaux problèmes. Une femme ne pense pas, ne réagit pas comme un homme, ne fait pas les mêmes choses que l’homme, et c’est tant mieux ! Le livre de John Gray, Les hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus (1992) montre ces différences dans tous les domaines, différences qui ne concernent nullement une supériorité de l’un sur l’autre, et l’auteur le fait avec beaucoup d’humour. Une simple question de nature, de fonction et destinée de chaque sexe. Et je ne peux que vous inviter à lire en annexe, la longue et superbe lettre que le saint pape Jean-Paul II a adressée aux femmes en 1995 !


La femme dans la Genèse

Quant à la « misogynie biblique », ne nous trompons pas. Dans beaucoup de religions orientales, la femme étaient une création de l’homme, et se devait donc de lui être soumise, dans le sens le plus obtus du terme. La Bible, elle, dès le livre de la Genèse, proclame leur égalité dans leur création (Gn 1, 27) : « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme. » Et si vous vous reportez au second récit de création de la femme, même extraite du côté d’Adam, elle n’en reste pas moins son égal car de même nature que lui. Comme lui, elle est (Gn 2, 18-24) « l’os de ses os, la chair de sa chair », au point de porter le même nom en hébreu qui marque leur similitude comme leur particularité : ish et isha. D’autant plus que dans ce second récit de création, la motivation de Dieu est d’offrir (comme un cadeau) la femme à l’homme afin de rompre sa solitude (Gn 2, 18) : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Je vais lui faire une aide qui lui correspondra. » Lorsque l’on consulte le texte massorétique (hébreu), c’est encore plus fort puisque Dieu crée la femme « qui sera pour lui comme son vis-à-vis ». Le face à face, et non l’un derrière l’autre. Les deux êtres comme des compléments essentiels, une révélation mutuelle, une découverte de chacun dans le regard de l’autre. N’est-ce pas le projet de chaque couple ?


C’est le diable, le diviseur, qui introduit le soupçon dans le coeur d’Adam et Ève : soupçon envers le Créateur, soupçon entre-eux deux. Du dialogue, du face à face prévu par Dieu, le péché de l’homme le fait tomber dans la recherche du pouvoir et de la domination. Le texte biblique l’avait bien compris lorsque Dieu dit à Ève lors de l’expulsion du Paradis (Gn 3, 16) : « Ton désir te portera vers ton mari, et celui-ci dominera sur toi. »


Mais revenons-en au Livre des Proverbes, car il nous permet de croire que ce péché peut être combattu, pour ne pas dire pulvérisé, si nous choisissons le chemin de la sagesse…


L’éloge de la femme

Le texte d’aujourd’hui nous offre l’éloge de la femme, car c’est bien un éloge que fait le rédacteur. Malheureusement la liturgie ne nous en donne qu’un extrait. Si vous en avez le temps, allez lire en annexe l’ensemble de ce poème alphabétique (chaque verset commence par une lettre de l’alphabet hébraïque). Il nous dresse le portrait de la « femme idéale », celle qui saura rendre heureux son époux, et qui en retour la rendra heureuse. Ne nous trompons pas sur le sens du mot « vaillante » : il ne s’agit pas de courage (« à coeur vaillant, rien d’impossible ! »), mais plutôt de valeur ; une femme vaillante est une femme de valeur, et donc valeureuse.


Comment l’auteur la définit-il ? Très simplement, sans artifice ni fioriture. En fait, elle est travailleuse, elle est fidèle, consacrée à sa famille et sa maison, et elle n’oublie pas de tendre la main aux pauvres et aux malheureux. À ses yeux, une telle femme fait preuve de sagesse, pour ne pas dire qu’elle détient le « secret du bonheur » !


Le secret du bonheur

En fait, ce secret du bonheur, si important pour chacun des hommes, est appelé « sagesse » dans la Bible. Et, comme les textes de la semaine dernière nous le rappelaient, seul Dieu peut nous donner la sagesse à laquelle nous aspirons, en écho de ce qu’on lit dans le même livre des Proverbes (Pr 9, 10) : « La crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse ». À tel point que les neuf premiers chapitres de ce livre se donnent pour mission de nous inviter à cultiver cette vertu, qui n’est autre que l’art de diriger sa vie. Et voici qu’au terme des Proverbes se glisse, comme une conclusion — ou plutôt la promesse d’une réalisation — l’éloge de la femme vaillante.


Serait-ce pour nous dire, à nous les mâles, que ce sont les femmes qui pourront nous enseigner cette sagesse qui nous manque tant ? Peut-être… D’autant plus que ce chapitre est alphabétique. Ce n’est pas une simple technique oratoire ou mnémotechnique, mais plutôt une affirmation de foi : la femme idéale est celle qui s’est laissée imprégner par la sagesse de Dieu, qui en est le reflet ; elle a donc tout compris de A à Z ! Et ce que la femme symbolise, c’est l’alliance…


L’alliance

Le texte est tout autant surprenant que clair (versets 11 et 12) : « Son mari peut lui faire confiance : il ne manquera pas de ressources. Elle fait son bonheur, et non pas sa ruine, tous les jours de sa vie. » Et toute la description qui suit (il faut la lire dans le texte complet en annexe) nous la présente comme celle qui fait alliance avec son mari, mais pas n’importe quelle alliance. Ce n’est ni une alliance commerciale, ni de commodité : c’est l’alliance semblable à celle qui unit Dieu à son peuple ! Ainsi, comme le rappelle le pape Jean-Paul II dans sa lettre : « à la suite de la plus grande des femmes, la Mère du Christ, Verbe incarné, (tu) t’ouvres en toute docilité et fidélité à l'amour de Dieu, aidant ainsi l'Église et l'humanité entière à donner à Dieu une réponse « sponsale » qui exprime merveilleusement la communion qu'il veut établir avec sa créature. » Sponsale : d’épouse. Ainsi, l’union sponsale d’un couple se doit d’être à l’image de l’amour que Dieu porte à son peuple, à l’image de l’Alliance que Dieu fait avec chaque homme de bonne volonté. Cette idée se retrouve dans le second chapitre du livre des Proverbes, puisque « celle qui a délaissé l’ami de sa jeunesse, oublie l’alliance de son Dieu ». Qui rompt l’alliance conjugale (sous le même joug), rompt du même coup l’Alliance divine…


Deux béatitudes

« Seule, la femme qui craint le Seigneur mérite la louange. Célébrez-la pour les fruits de son travail: et qu’aux portes de la ville, ses œuvres disent sa louange ! » conclue le texte. Heureuses seront les femmes qui aiment le Seigneur ; Heureuses seront-elles par leur travail humble et discret, apparemment inutile aux yeux de certains, car elles créent du bonheur !



Livre des Proverbes (Pr 31, 10-31)

10 Aleph — Une femme parfaite, qui la trouvera ? Elle est précieuse plus que les perles !

11 Beth — Son mari peut lui faire confiance : il ne manquera pas de ressources.

12 Gimel — Elle fait son bonheur, et non pas sa ruine, tous les jours de sa vie.

13 Daleth — Elle sait choisir la laine et le lin, et ses mains travaillent volontiers.

14 Hé — Elle est comme les navires marchands, faisant venir ses vivres de très loin.

15 Waw — Elle est debout quand il fait encore nuit pour préparer les repas de sa maison et donner ses ordres aux servantes.

16 Zaïn — A-t-elle des visées sur un champ ? Elle l’acquiert. Avec le produit de son travail, elle plante une vigne.

17 Heth — Elle rayonne de force et retrousse ses manches !

18 Teth — Elle s’assure de la bonne marche des affaires, sa lampe ne s’éteint pas de la nuit.

19 Yod — Elle tend la main vers la quenouille, ses doigts dirigent le fuseau.

20 Kaph — Ses doigts s’ouvrent en faveur du pauvre, elle tend la main au malheureux.

21 Lamed — Elle ne craint pas la neige pour sa maisonnée, car tous les siens ont des vêtements doublés.

22 Mem — Elle s’est fait des couvertures, des vêtements de pourpre et de lin fin.

23 Noun — Aux portes de la ville, on reconnaît son mari siégeant parmi les anciens du pays.

24 Samek — Elle fabrique de l’étoffe pour la vendre, elle propose des ceintures au marchand.

25 Aïn — Revêtue de force et de splendeur, elle sourit à l’avenir.

26 Pé — Sa bouche s’exprime avec sagesse et sa langue enseigne la bonté.

27 Çadé — Attentive à la marche de sa maison, elle ne mange pas le pain de l’oisiveté.

28 Qoph — Ses fils, debout, la disent bienheureuse et son mari fait sa louange :

29 Resh — « Bien des femmes ont fait leurs preuves, mais toi, tu les surpasses toutes ! »

30 Shine — Le charme est trompeur et la beauté s’évanouit ; seule, la femme qui craint le Seigneur mérite la louange.

31 Taw — Célébrez-la pour les fruits de son travail : et qu’aux portes de la ville, ses œuvres disent sa louange !



Prière pour les femmes à partir de la prière de saint François d’Assise


Seigneur, faites-moi un instrument de paix

Bénissez toutes les femmes qui oeuvrent chaque jour à apporter la paix à leur communauté, leur foyer et leur coeur.Donnez-leur la force de continuer à changer les épées en socs.


Là où est la haine, que je mette l’amour

Nous vous prions pour toutes les femmes qui sont confrontées au préjudice, à l’inégalité et à la discrimination sexuelle. Aidez-nous à voir et affronter la discrimination contre les femmes, quelle que soit la forme qu’elle prenne.


Là où est l’offense, que je mette le pardon

Réconfortez toutes les femmes qui subissent la douleur de la guerre, de la violence et des abus. Aidez-les à devenir les instruments de leur propre réconciliation et apaisement.


Là où est la discorde, que je mette l’union

Pardonnez à toutes les femmes et les hommes qui ont laissé les différences nourrir la haine et la discrimination.Que l’exemple de votre respect pour toute la création nous aide à voir que nous sommes des partenaires égaux dans l’intendance de notre monde.


Là où est l’erreur, que je mette la vérité

Réconfortez toutes les femmes qui luttent dans l’obscurité de l’abus, de la pauvreté et de la solitude. Puissions-nous nous tenir avec elles dans la lumière, pour reconnaître leur douleur et tâcher d’enlever les fardeaux de la honte ou de la gêne.


Là où est le doute, que je mette la foi

Nous vous prions pour toutes les femmes qui vivent dans la peur de leur mari, de leur frère, de leur père… et des forces qui contrôlent leur vie. Aidez-les à devenir capables d’être elles-mêmes en vérité grâce à votre amour éternel et votre foi.


Là où est le désespoir, que je mette l’espérance

Nous vous prions pour toutes les femmes qui vivent dans le désespoir de la pauvreté, de la violence, du trafic, de l’esclavage, et des abus. Que la lumière de votre amour leur porte l’espérance.


Là où est la tristesse, que je mette la joie

Aidez-nous à voir la force et la bonté dans chaque femme et chaque homme. Transformez nos coeurs pour qu’ils célèbrent l’amour et la grâce de toutes les personnes.


Et puissions-nous être bénis avec le courage de Sainte Claire d’Assise pour suivre notre propre chemin d’amour pour vous et tous nos soeurs et frères.



Lettre du pape jean-Paul II aux femmes

À vous toutes, femmes du monde entier,mon salut le plus cordial !


1. C'est à chacune d'entre vous que j'adresse cette lettre en signe de partage et de gratitude, alors qu'approche la quatrième Conférence mondiale sur la femme, qui se tiendra à Pékin en septembre prochain.


Je voudrais dire tout d'abord à l'Organisation des Nations unies combien j'apprécie cette initiative de grande portée qu'elle a prise. L'Église entend bien apporter, elle aussi, sa contribution à la défense de la dignité, du rôle et des droits des femmes, non seulement par l'apport spécifique de la Délégation officielle du Saint-Siège aux travaux de Pékin, mais aussi en parlant directement au cœur et à l'esprit de toutes les femmes. Récemment, à l'occasion de la visite que Madame Gertrude Mongella, Secrétaire générale de la Conférence, m'a rendue précisément en vue de cette importante réunion, j'ai tenu à lui remettre un Message dans lequel sont exposés quelques points fondamentaux de l'enseignement de l'Église à ce sujet. C'est un message qui, au-delà de l'événement précis qui l'a inspiré, s'ouvre à la perspective plus générale de la réalité et des problèmes de l'ensemble des femmes, se mettant au service de leur cause dans l'Église et dans le monde contemporain. C'est pourquoi j'ai décidé de le transmettre à toutes les Conférences épiscopales afin d'en assurer la diffusion la plus large.


À partir de ce que j'écrivais dans ce document, je voudrais maintenant m'adresser directement à chacune des femmes pour réfléchir avec elles sur les problèmes et les perspectives de la condition féminine en notre temps, m'arrêtant en particulier sur le thème essentiel de la dignité et des droits des femmes, vus à la lumière de la Parole de Dieu.


Le point de départ de ce dialogue ne peut être qu'un merci. L'Église — écrivais-je dans la lettre apostolique Mulieris dignitatem — « désire remercier la Très Sainte Trinité pour le "mystère de la femme" et pour toute femme, pour ce qui constitue la dimension éternelle de sa dignité féminine, pour les "merveilles" de Dieu qui, dans l'histoire des générations humaines, se sont accomplies en elle et par elle » (n. 31).


2. Le merci adressé au Seigneur pour son dessein sur la vocation et la mission de la femme dans le monde devient aussi un merci concret et direct aux femmes, à chacune des femmes, pour ce qu'elles représentent dans la vie de l'humanité.


Merci à toi, femme-mère, qui accueilles en ton sein l'être humain dans la joie et dans la peine d'une expérience unique par laquelle tu deviens sourire de Dieu pour l'enfant qui vient au monde, tu deviens le guide de ses premiers pas, le soutien de sa croissance, puis le point de repère sur le chemin de sa vie.


Merci à toi, femme-épouse, qui unis d'une façon irrévocable ton destin à celui d'un homme, dans une relation de don réciproque, au service de la communion et de la vie.


Merci à toi, femme-fille et femme-sœur, qui apportes au foyer familial puis dans le complexe de la vie sociale les richesses de ta sensibilité, de ton intuition, de ta générosité et de ta constance.


Merci à toi, femme-au-travail, engagée dans tous les secteurs de la vie sociale, économique, culturelle, artistique, politique, pour ta contribution irremplaçable à l'élaboration d'une culture qui puisse allier la raison et le sentiment, à une conception de la vie toujours ouverte au sens du « mystère », à l'édification de structures économiques et politiques humainement plus riches.


Merci à toi, femme-consacrée, qui, à la suite de la plus grande des femmes, la Mère du Christ, Verbe incarné, t'ouvres en toute docilité et fidélité à l'amour de Dieu, aidant ainsi l'Église et l'humanité entière à donner à Dieu une réponse « sponsale » qui exprime merveilleusement la communion qu'il veut établir avec sa créature.


Merci à toi, femme, pour le seul fait d'être femme ! Par la perception propre à ta féminité, tu enrichis la compréhension du monde et tu contribues à la pleine vérité des relations humaines.


3. Mais, je le sais, le merci ne suffit pas. Nous avons malheureusement hérité d'une histoire de très forts conditionnements qui, en tout temps et en tout lieu, ont rendu difficile le chemin de la femme, fait méconnaître sa dignité, dénaturer ses prérogatives, l'ont souvent marginalisée et même réduite en esclavage. Tout cela l'a empêchée d'être totalement elle-même et a privé l'humanité entière d'authentiques richesses spirituelles. Il ne serait certes pas facile de déterminer des responsabilités précises, étant donné le poids des sédimentations culturelles qui, au cours des siècles, ont formé les mentalités et les institutions. Mais si, dans ce domaine, on ne peut nier, surtout dans certains contextes historiques, la responsabilité objective de nombreux fils de l'Église, je le regrette sincèrement. Puisse ce regret se traduire, pour toute l'Église, par un effort de fidélité renouvelée à l'inspiration évangélique qui, précisément sur le thème de la libération de la femme par rapport à toute forme d'injustice et de domination, contient un message d'une permanente actualité venant de l'attitude même du Christ. Celui-ci, dépassant les normes en vigueur dans la culture de son temps, eut à l'égard des femmes une attitude d'ouverture, de respect, d'accueil, de tendresse. Il honorait ainsi chez la femme la dignité qu'elle a toujours eue dans le dessein et dans l'amour de Dieu. En nous tournant vers lui en cette fin du deuxième millénaire, nous nous demandons spontanément à quel point son message a été reçu et mis en pratique.


Oui, il est temps de regarder avec le courage de la mémoire et la sincère reconnaissance des responsabilités la longue histoire de l'humanité, à laquelle les femmes ont apporté une contribution qui n'est pas inférieure à celle des hommes, et la plupart du temps dans des conditions bien plus difficiles. Je pense en particulier aux femmes qui ont aimé la culture et l'art, et qui s'y sont consacrées en partant de situations désavantageuses, exclues qu'elles étaient bien souvent d'une éducation égale à celle des hommes, exposées à être sous-estimées, à voir leur apport intellectuel méconnu ou même à en être dépossédées. Malheureusement, de cette multiple activité des femmes dans l'histoire, il reste très peu de choses qui puissent être enregistrées par les instruments de l'historiographie scientifique. Mais par chance, si le temps a enseveli les documents qui en portent la trace, il est impossible de ne pas en sentir les effets bénéfiques dans la sève dont furent nourries les générations qui se sont succédé jusqu'à nous. L'humanité a une dette incalculable à l'égard de cette grande, immense, « tradition » féminine. Combien de femmes ont été et sont encore jugées sur leur aspect physique plus que sur leur compétence, leur valeur professionnelle, leur activité intellectuelle, la richesse de leur sensibilité et, en définitive, sur la dignité même de leur être !


4. Et que dire des obstacles qui, en de nombreuses parties du monde, empêchent encore les femmes de s'intégrer pleinement dans la vie sociale, politique et économique ? Il suffit de penser que le don de la maternité est plus souvent pénalisé qu'il n'est estimé, alors que l'humanité lui doit sa propre survie. Il est certain qu'il reste encore beaucoup à faire pour que la condition de femme et de mère n'entraîne aucune discrimination. Il est urgent d'obtenir partout l'égalité effective des droits de la personne et donc la parité des salaires pour un travail égal, la protection des mères qui travaillent, un juste avancement dans la carrière, l'égalité des époux dans le droit de la famille, la reconnaissance de tout ce qui est lié aux droits et aux devoirs du citoyen dans un régime démocratique.


Il s'agit là d'un acte de justice, mais aussi d'une nécessité. Dans la politique à venir, les femmes seront toujours plus impliquées dans les graves problèmes actuellement débattus : temps libre, qualité de la vie, migrations, services sociaux, euthanasie, drogue, santé et soins, écologie, etc. Dans tous ces domaines, une plus forte présence sociale de la femme s'avérera précieuse, car elle contribuera à manifester les contradictions d'une société organisée sur les seuls critères de l'efficacité et de la productivité, et elle obligera à redéfinir les systèmes, au bénéfice des processus d'humanisation qui caractérisent la « civilisation de l'amour ».


5. En considérant l'un des aspects les plus délicats de la situation des femmes dans le monde, comment ne pas rappeler la longue et humiliante histoire — fréquemment « souterraine » — d'abus commis à l'encontre des femmes dans le domaine de la sexualité ? À la veille du troisième millénaire, nous ne pouvons rester impassibles face à ce phénomène, ni nous y résigner. Il est temps de condamner avec force, en suscitant des instruments législatifs appropriés de défense, les formes de violence sexuelle qui ont bien souvent les femmes pour objet. Au nom du respect de la personne, nous ne pouvons pas non plus ne pas dénoncer la culture hédoniste et mercantile fort répandue qui prône l'exploitation systématique de la sexualité, poussant même les filles dès leur plus jeune âge à tomber dans les circuits de la corruption et à faire de leur corps une marchandise.


En face de telles perversions, quelle estime ne méritent pas, au contraire, les femmes qui, avec un amour héroïque pour leur enfant, poursuivent une grossesse liée à l'injustice de rapports sexuels imposés par la force, et cela non seulement dans le cadre des atrocités qui se rencontrent malheureusement dans des contextes de guerre encore si fréquents dans le monde, mais aussi dans des situations de bien-être et de paix, souvent viciées par une culture de permissivité hédoniste où prospèrent plus facilement des tendances à un machisme agressif! Dans de telles conditions, le choix de l'avortement, qui reste toujours un péché grave, avant même d'être une responsabilité à faire endosser par les femmes, est un crime qu'il faut mettre au compte de l'homme et de la complicité du milieu de vie.


6. Mon merci aux femmes prend donc la forme d'un appel pressant pour que tous, en particulier les États et les institutions internationales, fassent ce qu'il faut pour redonner aux femmes le plein respect de leur dignité et de leur rôle. Je ne puis m'empêcher, à ce sujet, de manifester mon admiration pour les femmes de bonne volonté qui se sont consacrées à la défense de la dignité de la condition féminine par la conquête de droits fondamentaux sur les plans social, économique et politique, et qui ont pris courageusement cette initiative en des temps où cet engagement de leur part était considéré comme un acte de transgression, un signe de manque de féminité, une manifestation d'exhibitionnisme, voire un péché !


Comme je l'écrivais dans le Message pour la Journée mondiale de la Paix de cette année, en considérant ce grand processus de libération de la femme, on peut dire que cette voie « a été difficile et complexe, non sans erreurs parfois, mais positive pour l'essentiel, même si elle reste encore inachevée à cause des nombreux obstacles qui empêchent, en bien des régions du monde, que la femme soit reconnue, respectée et valorisée dans sa dignité propre » (n. 4).


Il faut persévérer dans cette voie ! Toutefois, je suis convaincu que le secret pour parcourir rapidement le chemin du plein respect de l'identité féminine ne passe pas seulement par la dénonciation, pour nécessaire qu'elle soit, des discriminations et des injustices, mais encore et surtout par un projet de promotion aussi efficace qu'éclairé, qui concerne tous les domaines de la vie féminine, en partant d'une prise de conscience renouvelée et universelle de la dignité de la femme. La raison elle- même, qui accepte la loi de Dieu inscrite au cœur de tout homme, nous porte à reconnaître cette dignité malgré ses multiples conditionnements historiques. Mais c'est surtout la Parole de Dieu qui nous permet d'identifier clairement le fondement anthropologique radical de la dignité de la femme, en nous le montrant dans le dessein de Dieu sur l'humanité.


7. Acceptez donc, chères sœurs, qu'avec vous je médite à nouveau la merveilleuse page biblique qui présente la création de l'homme, et qui exprime tant de choses sur votre dignité et sur votre mission dans le monde.


Le Livre de la Genèse parle de la création de manière synthétique et dans un langage poétique et symbolique, mais profondément vrai : « Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa » (Gn 1, 27). L'acte créateur de Dieu se déroule selon un projet précis. Avant tout, il est dit que l'homme est créé à l'image et à la ressemblance de Dieu (cf. Gn 1, 26), expression qui clarifie immédiatement le caractère spécifique de l'homme dans l'ensemble de l'œuvre de la création.


Il est dit ensuite que l'homme est créé « homme et femme » (Gn 1, 27), depuis l'origine. L'Écriture elle-même fournit l'interprétation de cet élément: bien que se trouvant entouré par les créatures innombrables du monde visible, l'homme se rend compte qu'il est seul (cf. Gn 2, 20). Dieu intervient pour le faire sortir de cette situation de solitude : « Il n'est pas bon que l'homme soit seul. Il faut que je lui fasse une aide qui lui soit assortie » (Gn 2, 18). Depuis l'origine, donc, dans la création de la femme est inscrit le principe de l’aide : aide — notons-le bien — qui n'est pas unilatérale, mais réciproque. La femme est le complément de l'homme, comme l'homme est le complément de la femme : la femme et l'homme sont entre eux complémentaires. Le féminin réalise l'« humain » tout autant que le fait le masculin, mais selon une harmonique différente et complémentaire.


Lorsque la Genèse parle d'« aide », elle ne fait pas seulement référence au domaine de l'agir, mais aussi à celui de l'être. Le féminin et le masculin sont entre eux complémentaires, non seulement du point de vue physique et psychologique, mais ontologique. C'est seulement grâce à la dualité du « masculin » et du « féminin » que l'« homme » se réalise pleinement.


8. Après avoir créé l'homme, homme et femme, Dieu leur dit à tous les deux : « Emplissez la terre et soumettez-la » (Gn 1, 28). Il ne leur confère pas seulement le pouvoir de procréer pour perpétuer le genre humain à travers le temps, mais il leur confie aussi la terre comme une tâche, les engageant à en gérer les ressources de manière responsable. L'homme, être rationnel et libre, est appelé à transformer la face de la terre. Dans cette tâche, qui est essentiellement une œuvre de culture, l'homme comme la femme ont une responsabilité égale depuis l'origine. Dans leur réciprocité sponsale et féconde, dans leur tâche commune de dominer et de soumettre la terre, la femme et l'homme n'expriment pas une égalité statique et nivelante, et encore moins une différence abyssale et inexorablement conflictuelle : leur rapport le plus naturel, répondant au dessein de Dieu, est l'« unité des deux », c'est-à-dire une « unité duelle » relationnelle, qui permet à chacun de découvrir la relation interpersonnelle et réciproque comme un don, source de richesse et de responsabilité.


À cette « unité des deux » sont confiées par Dieu non seulement l'œuvre de la procréation et la vie de la famille, mais la construction même de l'histoire. Si, durant l'Année internationale de la Famille, célébrée en 1994, l'attention s'est portée sur la femme comme mère, la conférence de Pékin est une occasion propice à une prise de conscience renouvelée des multiples contributions que la femme offre à la vie des sociétés et des nations entières. Ce sont des contributions de nature avant tout spirituelle et culturelle, mais aussi socio-politique et économique. Vraiment grande est l'importance de ce que doivent à l'apport des femmes les différents secteurs de la société, les États, les cultures nationales et, en définitive, le progrès du genre humain tout entier !


9. En règle générale, le progrès est évalué selon des catégories scientifiques et techniques, et, même de ce point de vue, la contribution de la femme n'est pas négligeable. Cependant, ce n'est pas là l'unique dimension du progrès, ce n'est même pas la principale. La dimension éthique et sociale, qui marque les relations humaines et les valeurs de l'esprit, paraît plus importante: dans cette dimension, souvent développée sans bruit à partir des relations quotidiennes entre les personnes, spécialement à l'intérieur de la famille, c'est précisément au « génie de la femme » que la société est en grande partie débitrice.


À ce propos, je voudrais exprimer une gratitude particulière aux femmes engagées dans les secteurs les plus divers de l'activité éducative, bien au-delà de la famille : jardins d'enfants, écoles, universités, services sociaux, paroisses, associations et mouvements. Partout où existe la nécessité d'un travail de formation, on peut constater l'immense disponibilité des femmes qui se dépensent dans les relations humaines, spécialement en faveur des plus faibles et de ceux qui sont sans défense.


Dans cette action, elles accomplissent une forme de maternité affective, culturelle et spirituelle, d'une valeur vraiment inestimable pour les effets qu'elle a sur le développement de la personne et sur l'avenir de la société. Et comment ne pas rappeler ici le témoignage de nombreuses femmes catholiques et de nombreuses Congrégations religieuses féminines qui, dans les différents continents, ont fait de l'éducation, spécialement des jeunes garçons et filles, leur activité principale ?


Comment ne pas avoir un sentiment de reconnaissance à l'égard de toutes les femmes qui ont œuvré et qui continuent à œuvrer dans le domaine de la santé, non seulement dans le cadre des institutions de santé les mieux organisées, mais souvent dans des circonstances très précaires, dans les pays les plus pauvres du monde, donnant un témoignage de disponibilité qui frôle souvent le martyre ?


10. Je souhaite donc, chères sœurs, que l'on réfléchisse avec une attention particulière sur le thème du « génie de la femme », non seulement pour y reconnaître les traits d'un dessein précis de Dieu qui doit être accueilli et honoré, mais aussi pour lui faire plus de place dans l'ensemble de la vie sociale, et également dans la vie ecclésiale. J'ai eu l'occasion, dans la lettre apostolique Mulieris dignitatem publiée en 1988, de traiter largement cette question, déjà abordée d'ailleurs au moment de l'Année mariale. Puis cette année, pour le Jeudi saint, j'ai voulu rappeler cette lettre apostolique Mulieris dignitatem dans la lettre que j'adresse habituellement aux prêtres, pour les inviter à réfléchir sur le rôle significatif que la femme exerce dans leur vie, comme mère, comme sœur et comme collaboratrice dans les activités d'apostolat. Il s'agit d'une autre dimension de l'« aide » — différente de la dimension conjugale, mais tout aussi importante — que la femme, selon la Genèse, est appelée à rendre à l'homme.


L'Église voit en Marie la plus haute expression du « génie féminin » et trouve en elle une source d'inspiration constante. Marie s'est définie elle- même « servante du Seigneur » (Lc 1, 38). C'est par obéissance à la Parole de Dieu qu'elle a accueilli sa vocation privilégiée, mais pas du tout facile, d'épouse et de mère de la famille de Nazareth. En se mettant au service de Dieu, elle s'est mise aussi au service des hommes : service d'amour. C'est ce service qui lui a permis de réaliser dans sa vie l'expérience d'une mystérieuse mais authentique « royauté ». Elle n'est pas invoquée par hasard comme « Reine du ciel et de la terre ». Toute la communauté des croyants l'invoque ainsi ; de nombreux peuples et nations l'invoquent comme « Reine ». Sa « royauté » est un service ! Son service est une « royauté » !


C'est ainsi que devrait être comprise l'autorité dans la famille comme dans la société et dans l'Église. La « royauté » est une révélation de la vocation fondamentale de l'être humain, en tant que créé à « l'image » de Celui qui est Seigneur du ciel et de la terre, et appelé à être son fils adoptif dans le Christ. L'homme est la seule créature sur la terre que « Dieu a voulu pour elle-même », comme l'enseigne le deuxième Concile du Vatican, qui ajoute de manière significative que l'homme « ne peut pleinement se trouver que par le don désintéressé de lui-même » (Gaudium et spes, n. 24).


En cela consiste la « royauté » maternelle de Marie. Ayant été, dans tout son être, un don pour le Fils, elle devient aussi un don pour les fils et les filles du genre humain tout entier, ravivant la confiance très profonde de celui qui se tourne vers Elle pour être conduit le long des chemins difficiles de la vie vers son terme personnel, son destin transcendant. À travers les étapes de sa vocation particulière, chacun parvient à ce but final, qui oriente l'engagement dans le temps de l'homme comme de la femme.


11. Dans cette perspective de « service » — qui exprime la véritable « royauté » de l'être humain, s'il est accompli avec liberté, réciprocité et amour —, il est aussi possible d'accueillir une certaine diversité de fonctions, sans conséquences désavantageuses pour la femme, dans la mesure où cette diversité n'est pas le résultat d'un ordre arbitraire, mais découle des caractères de l'être masculin et féminin. C'est une affirmation qui a aussi une application spécifique à l'intérieur de l'Église. Si le Christ — par un choix libre et souverain, bien attesté dans l'Évangile et dans la tradition constante de l'Église — a confié seulement aux hommes le devoir d'être « icône » de son visage de « pasteur » et d'« époux » de l'Église à travers l'exercice du sacerdoce ministériel, cela n'enlève rien au rôle des femmes, comme du reste à celui des autres membres de l'Église qui ne sont pas investis du ministère sacré, étant cependant tous également dotés de la dignité particulière du « sacerdoce commun » enraciné dans le baptême. En effet, ces distinctions de rôles ne doivent pas être interprétées à la lumière des canons de fonctionnement propres aux sociétés humaines, mais selon les critères spécifiques de l'économie sacramentelle, c'est-à-dire de l'économie des « signes » librement choisis par Dieu, pour se rendre présent au milieu des hommes.


En outre, précisément dans la ligne de cette économie des signes, même hors du domaine sacramentel, la « féminité », vécue sur le modèle sublime de Marie, est loin d'être négligeable. En effet, il y a dans la « féminité » de la femme croyante, et spécialement de la femme « consacrée », une sorte de « prophétie » immanente (cf. Mulieris dignitatem, n. 29), un symbolisme fortement évocateur, on pourrait dire un « caractère iconique » prégnant, qui se réalise pleinement en Marie et qui exprime bien l'être même de l'Église en tant que communauté consacrée, dans la plénitude d'un cœur « vierge », pour être « épouse » du Christ et « mère » des croyants. Dans cette perspective de complémentarité « iconique » des rôles masculin et féminin, deux dimensions inséparables de l'Église sont davantage mises en lumière : le principe « marial » et le principe « apostolique et pétrinien » (cf. ibid., n. 27).


D'autre part — je le rappelais aux prêtres dans la Lettre du Jeudi saint de cette année, précédemment citée —, « le sacerdoce ministériel, dans le dessein du Christ, n'est pas l'expression d'une domination, mais celle d'un service » (n. 7). C'est une tâche urgente de l'Église, dans son renouvellement quotidien à la lumière de la Parole de Dieu, de mettre cela toujours plus en évidence, dans le développement de l'esprit de communion et dans la promotion attentive de tous les moyens spécifiquement ecclésiaux de la participation, et à travers le respect et la valorisation des innombrables charismes personnels et communautaires que l'Esprit de Dieu suscite pour l'édification de la communauté chrétienne et pour le service des hommes.


Dans ce vaste domaine du service, l'histoire de l'Église, au long de ces deux millénaires, malgré tant de conditionnements, a connu vraiment le « génie de la femme », ayant vu apparaître en son sein des femmes de premier plan, qui ont laissé d'elles-mêmes, aux différentes époques, une empreinte importante et bénéfique. Je pense à la longue cohorte des martyres, des saintes, des mystiques insignes. Je pense tout spécialement à sainte Catherine de Sienne et à sainte Thérèse d'Avila, auxquelles le Pape Paul VI a conféré le titre de Docteur de l'Église. Et comment ne pas rappeler aussi les innombrables femmes qui, animées par la foi, ont consacré leur vie à des initiatives d'un intérêt social extraordinaire, particulièrement au service des plus pauvres ? L'avenir de l'Église dans le troisième millénaire ne manquera certainement pas de voir naître de nouvelles et admirables manifestations du « génie féminin ».


12. Vous voyez donc, chères sœurs, que l'Église a de nombreux motifs de désirer que, dans la prochaine Conférence organisée par les Nations Unies à Pékin, soit mise en lumière la pleine vérité sur la femme. Que l'on donne vraiment tout son relief au « génie de la femme », en ne tenant pas compte seulement des femmes importantes et de renommée, qui ont vécu dans le passé ou qui sont nos contemporaines, mais aussi des femmes simples, qui développent leur talent féminin au service des autres dans la banalité du quotidien ! C'est en effet spécialement en se donnant aux autres dans la vie de tous les jours que la femme réalise la vocation profonde de sa vie, elle qui, peut-être encore plus que l'homme, voit l'homme, parce qu'elle le voit avec le cœur. Elle le voit indépendamment des différents systèmes idéologiques ou politiques. Elle le voit avec sa grandeur et ses limites, et elle cherche à venir à sa rencontre et à lui être une aide. De cette manière, dans l'histoire de l'humanité, se réalise le dessein fondamental du Créateur et apparaît sans cesse, dans la diversité des vocations, la beauté — non seulement physique mais surtout spirituelle — que Dieu a prodiguée depuis le début à la créature humaine et spécialement à la femme.


Tandis que je confie au Seigneur dans la prière l'heureux résultat de l'important rendez-vous de Pékin, j'invite les communautés ecclésiales à faire de l'année en cours un temps de profonde action de grâce au Créateur et au Rédempteur du monde pour le don d'un aussi grand bien que la féminité ; dans ses multiples expressions, elle appartient au patrimoine constitutif de l'humanité et de l'Église.


Que Marie, Reine de l'amour, veille sur les femmes et sur leur mission au service de l'humanité, de la paix, de la diffusion du Règne de Dieu !


Avec ma Bénédiction.


Du Vatican, le 29 juin 1995, solennité des saints Apôtres Pierre et Paul.

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