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Ve dimanche du Carême (A)

Je vais ouvrir vos tombeaux -



La vision d’Ézéchiel,

Édouard Cibot (Paris, 1799 - Paris, 1877),

Huile sur toile, dimensions inconnues, 1870,

Église Saint-Martin, Dunières (France)


Lecture du livre du prophète Ézékiel (Ez 37, 12-14)

Ainsi parle le Seigneur Dieu : Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai remonter, ô mon peuple, et je vous ramènerai sur la terre d’Israël. Vous saurez que Je suis le Seigneur, quand j’ouvrirai vos tombeaux et vous en ferai remonter, ô mon peuple ! Je mettrai en vous mon esprit, et vous vivrez ; je vous donnerai le repos sur votre terre. Alors vous saurez que Je suis le Seigneur : j’ai parlé et je le ferai – oracle du Seigneur.


Psaume 129 (130), 1-2, 3-4, 5-6ab, 7bc-8)

Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur,

Seigneur, écoute mon appel !

Que ton oreille se fasse attentive

au cri de ma prière !

Si tu retiens les fautes, Seigneur,

Seigneur, qui subsistera ?

Mais près de toi se trouve le pardon

pour que l’homme te craigne.

J’espère le Seigneur de toute mon âme ;

je l’espère, et j’attends sa parole.

Mon âme attend le Seigneur

plus qu’un veilleur ne guette l’aurore.

Oui, près du Seigneur, est l’amour ;

près de lui, abonde le rachat.

C’est lui qui rachètera Israël

de toutes ses fautes.


Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains (Rm 8, 8-11)

Frères, ceux qui sont sous l’emprise de la chair ne peuvent pas plaire à Dieu. Or, vous, vous n’êtes pas sous l’emprise de la chair, mais sous celle de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous. Celui qui n’a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient pas. Mais si le Christ est en vous, le corps, il est vrai, reste marqué par la mort à cause du péché, mais l’Esprit vous fait vivre, puisque vous êtes devenus des justes. Et si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus, le Christ, d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous.


Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 11, 1-45

En ce temps-là, il y avait quelqu’un de malade, Lazare, de Béthanie, le village de Marie et de Marthe, sa sœur. Or Marie était celle qui répandit du parfum sur le Seigneur et lui essuya les pieds avec ses cheveux. C’était son frère Lazare qui était malade. Donc, les deux sœurs envoyèrent dire à Jésus : « Seigneur, celui que tu aimes est malade. » En apprenant cela, Jésus dit : « Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié. » Jésus aimait Marthe et sa sœur, ainsi que Lazare. Quand il apprit que celui-ci était malade, il demeura deux jours encore à l’endroit où il se trouvait. Puis, après cela, il dit aux disciples : « Revenons en Judée. » Les disciples lui dirent : « Rabbi, tout récemment, les Juifs, là-bas, cherchaient à te lapider, et tu y retournes ? » Jésus répondit : « N’y a-t-il pas douze heures dans une journée ? Celui qui marche pendant le jour ne trébuche pas, parce qu’il voit la lumière de ce monde ; mais celui qui marche pendant la nuit trébuche, parce que la lumière n’est pas en lui. » Après ces paroles, il ajouta : « Lazare, notre ami, s’est endormi ; mais je vais aller le tirer de ce sommeil. » Les disciples lui dirent alors : « Seigneur, s’il s’est endormi, il sera sauvé. » Jésus avait parlé de la mort ; eux pensaient qu’il parlait du repos du sommeil. Alors il leur dit ouvertement : « Lazare est mort, et je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez. Mais allons auprès de lui ! » Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), dit aux autres disciples : « Allons-y, nous aussi, pour mourir avec lui ! » À son arrivée, Jésus trouva Lazare au tombeau depuis quatre jours déjà. Comme Béthanie était tout près de Jérusalem – à une distance de quinze stades (c’est-à-dire une demi-heure de marche environ) –, beaucoup de Juifs étaient venus réconforter Marthe et Marie au sujet de leur frère. Lorsque Marthe apprit l’arrivée de Jésus, elle partit à sa rencontre, tandis que Marie restait assise à la maison. Marthe dit à Jésus : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. Mais maintenant encore, je le sais, tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera. » Jésus lui dit : « Ton frère ressuscitera. » Marthe reprit : « Je sais qu’il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour. » Jésus lui dit : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? » Elle répondit : « Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui vient dans le monde. » Ayant dit cela, elle partit appeler sa sœur Marie, et lui dit tout bas : « Le Maître est là, il t’appelle. » Marie, dès qu’elle l’entendit, se leva rapidement et alla rejoindre Jésus. Il n’était pas encore entré dans le village, mais il se trouvait toujours à l’endroit où Marthe l’avait rencontré. Les Juifs qui étaient à la maison avec Marie et la réconfortaient, la voyant se lever et sortir si vite, la suivirent ; ils pensaient qu’elle allait au tombeau pour y pleurer. Marie arriva à l’endroit où se trouvait Jésus. Dès qu’elle le vit, elle se jeta à ses pieds et lui dit : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. » Quand il vit qu’elle pleurait, et que les Juifs venus avec elle pleuraient aussi, Jésus, en son esprit, fut saisi d’émotion, il fut bouleversé, et il demanda : « Où l’avez-vous déposé ? » Ils lui répondirent : « Seigneur, viens, et vois. » Alors Jésus se mit à pleurer. Les Juifs disaient : « Voyez comme il l’aimait ! » Mais certains d’entre eux dirent : « Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? » Jésus, repris par l’émotion, arriva au tombeau. C’était une grotte fermée par une pierre. Jésus dit : « Enlevez la pierre. » Marthe, la sœur du défunt, lui dit : « Seigneur, il sent déjà ; c’est le quatrième jour qu’il est là. » Alors Jésus dit à Marthe : « Ne te l’ai-je pas dit ? Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. » On enleva donc la pierre. Alors Jésus leva les yeux au ciel et dit : « Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours ; mais je le dis à cause de la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé. » Après cela, il cria d’une voix forte : « Lazare, viens dehors ! » Et le mort sortit, les pieds et les mains liés par des bandelettes, le visage enveloppé d’un suaire. Jésus leur dit : « Déliez-le, et laissez-le aller. » Beaucoup de Juifs, qui étaient venus auprès de Marie et avaient donc vu ce que Jésus avait fait, crurent en lui.


Le peintre

Édouard Cibot naît dans une famille bourgeoise. Après de bonnes études classiques, il entre à l’Ecole des Beaux-Arts dans l’atelier de Guérin, puis dans celui de Picot où il suit l’enseignement traditionnel d’un peintre d’histoire. Il débute sa carrière au salon de 1827, et exposera régulièrement au salon jusqu'en 1838. Il se spécialise très vite dans la peinture d'Histoire, et reçoit plusieurs commandes pour le château de Versailles. C'est ainsi qu'il s'illustre en tant que peintre historiciste, représentant la veine troubadour des peintres romantiques. S'inspirant beaucoup des romans de Walter Scott ou de l'Histoire médiévale anglaise, il réalise notamment Anne Boleyn à la Tour de Londres (1835). Il exécute un voyage en Italie en 1838 - 1839, qui va bouleverser son art : découvrant les primitifs italiens et les peintres de la Renaissance, il se lance à son retour à Paris dans la réalisation d'œuvres religieuses, austères et pâles. On conserve de lui des fresques à Saint-Leu-Saint-Gilles à Paris, ainsi qu'une toile monumentale, La Charité (1853). À partir de 1852, son talent s'exprime dans la réalisation de paysages bucoliques. On lui doit ainsi, une Vue prise à Bellevue (1852) et L'Idylle, sans doute l'une des meilleures toiles du peintre.


La peinture

Elle siège dans dans l’église Saint-Martin de Dunières (Haute-Loire). Elle fut offerte par l’industriel Florentin Malartre qui fut député pendant 18 ans, conseiller général pendant 44 ans, président d’honneur du syndicat général français du moulinage de la soie et natif du village. Contrairement à ce qu’écrit un document de la paroisse, ce n’est nullement une copie de La Vision d’Ézéchiel de Raphaël qui se trouve à la galerie Palatine du Palais Pitti de Florence (sûrement un coup de « l’intelligence artificielle » qui se croit capable d’attribuer à 95% l’auteur des oeuvres d’art !)


Ce que je vois

La photographie n’est malheureusement pas de très grande qualité. Les vernis reflètent le flash en bas de l’image, mais permettent d’apercevoir les divers craquelures de la toile, ainsi que sa distension. Elle n’en reste pas moins d’une grande force évocatrice.


Au centre, le prophète Ézékiel, vêtu d’une tunique rouge sang et d’un manteau bleu roi, est comme pris dans un tourbillon de vent, une tempête qui emmène sa longue chevelure grise et sa barbe abondante. La tête légèrement tournée vers le ciel, les yeux presque révulsés, il semble se laisser porter par le vent, s’abandonner à cette vision qui le désarçonne.


Mais que voit-il sur ce plateau au bord de la montagne et de la mer que l’on distingue au fond ? Que voit-il au sein de cette tempête qui apporte ce ciel couvert et menaçant ? Il voit les morts ressusciter. Il les voit sortir de terre, qu’ils soient jeunes ou vieux, hommes ou femmes. Il les voit, certains ayant retrouvé la vigueur de leur jeunesse, comme ce jeune homme au premier plan, d’autres la sagesse de leur vieillesse, tels ces deux vieillards siégeant sous leur voile vaporeux. D’autres sont encore dans les affres de la mort, pâle comme cette jeune fille que soutient le jeune homme, ou le visage encore marqué par la décomposition. Certains n’ont pas encore retrouvé ni chair, ni muscles, ni nerfs, et restent à l’état de squelette. Mais tous, jusqu’à l’enfant dans les bras de sa mère, comprennent qu’ils vivent ici un événement exceptionnel, lourd de sens et de vérité. Tous savent maintenant que leur salut vient de ce Dieu qui est le Maître des éléments, comme de la vie et de la mort. Petit à petit, ils tournent leurs regards du prophète vers les cieux, et voient que c’est Dieu qui leur rend la vie.


Cette toile, même abimée, me semble d’une belle intelligence de la scène prophétique et nous donne ce sentiment profond d’un basculement, d’un événement divin qui s’accomplit, d’une beauté de la vie qui émerge des ténèbres de la mort, là où on la croyait définitivement enfouie.


Je vais ouvrir vos tombes

Cette prophétie d’Ézékiel est d’une grande force, et surtout d’une profonde espérance. Mais, en la méditant, je ne peux m’empêcher de penser à ce chant qui a bercé mes jeunes années de scoutisme, composé par Gaétan de Courrèges. Je n’en défends pas ici la qualité musicale, seulement le souvenir ému…



JE VAIS OUVRIR VOS TOMBES CRI DE FEU ET DE VENT JE VAIS OUVRIR VOS TOMBES ET VOUS SEREZ VIVANTS

Ossements des mensonges Vieux os du désespoir Vieux rêves et vieux songes Rassis comme un pain noir.


Vieux os des habitudes Ossements desséchés Couples des lassitudes Vos amours déhanchés.


Vieux os de la mémoire Vieux ossements jaunis Ce que l'on croyait croire Qui s'est tout racorni.


J'entrerai dans vos rêves Les habillant de sang Et de peau et de fièvre Esprit des quatre vents


De l’espoir à l’espérance

Je me suis alors demandé pourquoi ce chant, hormis sa dimension affective, me touchait, comme le texte prophétique de ce dimanche. Peut-être simplement parce qu’il est empli d’espérance. Attention, pas d’espoir mais d’espérance. Il est vrai, qu’à ma connaissance, le français est la seule langue à établir cette distinction. L’espoir n’est qu’à vue humaine : « J’espère avoir une bonne note au bac, ou ne pas avoir été flashé par les gendarmes. J’ai bon espoir de guérir. » L’espérance, elle, est bien plus. Elle ne concerne pas notre vie terrestre, du moins dans sa réalisation, mais notre vie future, céleste. « Maintenant, que puis-je attendre, Seigneur ? Elle est en toi, mon espérance. » (Ps 38, 8) ou « Seigneur mon Dieu, tu es mon espérance, mon appui dès ma jeunesse. » (Ps 70, 5). Le mot « espérance » apparaît 26 fois dans le Premier Testament et… 50 fois dans le Nouveau, alors que le mot « espoir » n’apparaît que 8 fois dans le Nouveau Testament et 53 fois dans le Premier Testament. Basculement amusant… Le Premier Testament semble être celui d’un espoir humain : conquérir la Terre promise, être délivré des ennemis et tout faire pour respecter la Loi. L’espérance, elle est là, bien sûr, mais tellement inaccessible qu’elle en est reléguée au second plan.


Alors que le Christ vient inverser les choses, ou plutôt les remettre dans le bon sens : l’espoir, certes, est important, mais l’essentiel est ailleurs, il est au Royaume des cieux, là est notre espérance.


Un changement de perspective

Je me répète, mais à mon âge ça devient normal ! Un des éléments essentiels qu’introduit le message christique est cet inversement de perspective. Tout est à regarder sous un autre angle. Quelques exemples : les Béatitudes, déjà. Comment un homme qui ne vit que dans l’espoir que tout aille bien peut-il comprendre que ceux qui sont persécutés pour la justice sont appelés des bienheureux ? Comment un gestionnaire avisé, un expert-comptable de haut niveau peut-il accepter la parabole des ouvriers de la dernière heure ? Comment un révolutionnaire au bord de l’insurrection face à l’envahisseur peut-il accepter que celui qui aurait la possibilité d’appeler des légions d’anges se livre volontairement aux mains de l’ennemi ? Comment tout simplement, un homme de notre temps pourrait-il envisager que le message du Christ ait une valeur plus importante qu’une simple règle de vie, une morale de tous les jours ? Le Nouveau Testament est truffé de ce que certains nomment des paradoxes, d’autres des incohérences, et les fils de Dieu que nous sommes… des vertus salvifiques. En fait, ce n’est pas qu’un inversement de valeurs, c’est surtout un changement de perspective. Rappelez-vous le dialogue entre Louis XVI et le duc de la Rochefoucauld au soir du 14 juillet 1789 : « Mais c’est une révolte ? — Non, Sire, c’est une révolution ! » Une révolte, c’est une insurrection pour tout balayer et reconstruire quelque chose de nouveau (si tant est que cela soit possible, les exemples d’échecs ne manquent pas…) Une révolution, c’est un tour complet, un changement de perspective… Jésus n’est pas un révolté, mais un révolutionnaire, et pas dans le sens de l’insurgé, ou du factieux d’extrême-gauche.



Un autre exemple que j’ai déjà donné : les icônes orientales. Deux choses les caractérisent. D’abord que l’on ne peut enfermer Dieu (et sa sainteté). Et donc, les auréoles dépassent toujours le cadre. Et la perspective (il suffit de regarder comment est représenté le livre) est inversée : le point de fuite n’est pas au fond de l’oeuvre, mais devant l’oeuvre. Ce n’est pas nous qui regardons l’image sainte, c’est elle qui nous contemple afin de nous attirer dans son monde.



Perspective de l’espoir ou de l’espérance

Mais d’abord, comprenons bien ce que veut dire ce mot de perspective. Il est dérivé de pespectus, participe passé de perspicere « regarder à travers, regarder attentivement ». C’est en ce sens qu’on l’utilisera comme principe d’optique. Mais le mot a plus d’ampleur qu’un simple phénomène optique. Il nous invite à regarder à travers, et ce, attentivement. Alors regardons attentivement tant l’espoir que l’espérance, et surtout regardons à travers !


L’espoir est certainement ce qui motive le plus nos contemporains. Il suffit de voir les mouvements sociaux de ces derniers mois : espoir de travailler moins, espoir d’une meilleure santé, espoir de profiter de sa retraite, espoir de payer moins chers les produits de la vie courante. Car le peuple (ou les factieux suivant votre « perspective »…) manquent d’espoir en leur futur. Au point de ne plus trouver de raisons de faire des enfants, pour éviter de leur laisser un monde en chaos. Nos espoirs se réduisent comme peau de chagrin, comme notre futur. Allons-nous voir refleurir sur nos murs le célèbre « No future » des Sex Pistols ?


Cependant, certains croient (et j’ai bien peur que cela traîne aussi dans les sphères épiscopales) que si les hommes n’ont plus d’espoir, ou des espoirs déçus, il serait inutile de leur parler « à travers » (et j’utilise volontairement ce mot) d’espérance. Combien de fois ai-je entendu au cours de mes études, en pleine crise de la théologie de la libération, qu’il est inutile de parler de Dieu tant que les hommes auraient faim, ou n’auraient ni logement, ni dignité reconnue. C’est vrai, et le Christ a souvent aidé les hommes à retrouver leur dignité, à les sortir de leurs marasmes, ne serait-ce que celui de la maladie ou du handicap. Mais simultanément, il l’a fait en enseignant le pourquoi il le faisait. Il leur redonnait espoir en les invitant à comprendre que ce n’était pas la résolution définitive d’un problème, mais de voir, à travers, l’appel à une espérance. Pourquoi, sinon, dire à l’homme guéri, pourtant malade depuis 38 ans (Jn 5, 8) : « Lève-toi, prends ton brancard, et marche. » Avait-il encore besoin de son brancard ? Vous trouverez en annexe une petite méditation que j’avais écrite sur cet évangile. Son brancard n’est là que pour l’appeler à passer d’un espoir récompensé à une espérance divine. La suite du texte où Jésus échange vertement avec les Juifs l’atteste (Jn 5, 20-21 ; mais il faudrait lire l’ensemble du chapitre 5 pour s’en convaincre) : « Car le Père aime le Fils et lui montre tout ce qu’il fait. Il lui montrera des œuvres plus grandes encore, si bien que vous serez dans l’étonnement. Comme le Père, en effet, relève les morts et les fait vivre, ainsi le Fils, lui aussi, fait vivre qui il veut. » À travers ce miracle, Jésus montre le relèvement des morts, la résurrection. À travers l’espoir comblé d’une guérison ponctuelle, il donne l’espérance de la guérison définitive de la condamnation de la mort.


Faudrait-il donc que les espoirs soient assouvis pour que l’homme puisse entendre le message de l’espérance ? Je ne le crois vraiment pas.


Une espérance plus forte que tout

Tout simplement parce que saint Paul me donne la clef (Rm 4, 18) : « Espérant contre toute espérance, il a cru ». Espérant contre toute espérance. La formule est puissante. Même quand il n’y a plus d’espoir, et même quand l’espérance devient impossible à discerner, il nous faut garder l’espérance. Mais pas une espérance solitaire, une espérance avec la foi. Nous connaissons tous le célèbre hymne à l’amour de Paul (1 Co 13) qui se termine avec ces mots (verset 13) : « Ce qui demeure aujourd’hui, c’est la foi, l’espérance et la charité ; mais la plus grande des trois, c’est la charité. » Malheureusement, notre compréhension et notre présentation de ce verset est souvent étriquée, pour ne pas dire déviée. Paul ne dit pas que les deux autres sont secondaires. Ainsi, celui qui serait vraiment charitable n’aurait nul besoin de la foi et de l’espérance. Une façon masquée de « faire chrétien » ceux qui ne le sont pas, en les désignant comme des hommes emplis de bonté, de bienveillance (mot très à la mode avec la bien-pensance), et surtout de solidarité. Mais pour paraphraser un ancien President de la République (que vous reconnaîtrez) : « nous n’avons pas le monopole de la solidarité » ! Peut-être avons-nous, par contre, celui de la charité ? La différence ? La solidarité est faite par un homme au service des autres hommes (et femmes bien sûr ! Je me méfie des féministes… et de l’écriture inclusive !) au nom de l’humanisme. Le chrétien fait la même chose. À une différence près : il le fait au nom du Christ comme le rappellent tant de pages de l’évangile (entre autre la parabole du Jugement dernier en Mt 25). La foi en Dieu trine, l’espérance de partager sa Gloire un jour, sont les fondements de notre charité. Paul ne nous a donc pas dit de tout miser uniquement sur la charité, mais d’appuyer notre charité sur la foi et l’espérance : ce n’est pas la même chose ! Pour reprendre les mots ci-dessus : c’est en regardant « à travers » la foi et l’espérance que nous vivons la charité. C’est ça la nouvelle perspective !


Regarder à travers attentivement

La peur « animale » et fondamentale de l’homme est celle de l’abandon, de la solitude définitive. Et son acmé se situe dans la mort : « On naît seul, on vit seul, on meurt seul » disait Orson Welles. Et quand on y regarde de près, toutes nos peurs actuelles (il suffit de lire les slogans des manifestations) ne sont-elles pas des peurs induites de cette crainte de la solitude : peur de perdre ses relations professionnelles et du chômage, peur de la maladie, peur de se retrouver seul en retraite, peur d’une nature qui se dégrade, etc… L’homme finit par perdre espoir. Le drame est qu’à défaut de lui rendre l’espoir, nous lui retirons l’espérance. Je vous invite à lire en annexe une réflexion du feu pape Benoît XVI liée à cette question. Je ne reprends que la conclusion de ce texte :

Un point ressort, en tout cas, de tout cela : Dieu a disparu, c'est désormais l'homme qui agit seul. Le respect des traditions « religieuses » n'est qu'apparent. Elles ne sont en réalité considérées que comme un amas d'habitudes qu'il faut laisser aux hommes, même si au fond elles ne servent à rien. La foi, les religions, sont utilisées à des fins politiques. La seule chose qui compte est d'organiser le monde.

Ainsi, quand la seule chose qui compte est d’organiser le monde, et que ce monde ne réussit plus à se mettre en ordre, alors, l’homme perd l’espoir. Et comme Dieu a été éjecté de la société, comment pourrions-nous encore parler d’espérance ?


Et c’est ici que le message prophétique d’Ézékiel, le message évangélique, et le message ecclésial doivent prendre leur place, doivent aider l’homme à voir à travers, à changer de perspective.


Une lumière

J’ai déjà raconté cette petite histoire, mais je suis à un âge où l’on peut commencer à radoter. Un soir, autour du feu avec mes scouts, j’entrepris de les initier à la carte du ciel. Je leur montre du doigt l’étoile polaire, qui ne brille pas tant que ça mais qui reste fixe dans notre ciel. Évidemment, la voûte céleste étant bien étoilée cette nuit-là, le scout à un mètre de moi se trompe et ne voit pas laquelle je désigne. Un des jeunes me dit en souriant : « Tu devrais acheter un petit bouton électrique. Tu appuies dessus. Ça éteint toutes les étoiles sauf la polaire. Comme ça, on verra laquelle c’est ! » Vous vous en doutez, j’ai eu beau faire les magasins, je n’ai jamais trouvé ce bouton magique. Mais en y réfléchissant, n’est-ce pas la même chose que l’espérance ? Ne devrions-nous pas éteindre les fausses lumières pour repérer cette petite étoile qui s’appelle « espérance », qui n’impose pas sa lumière mais qui a l’avantage de ne jamais bouger, d’être toujours au centre de nos vies ? Et n’est-ce pas cette étoile qui illumine en fait nos espoirs, qui ne sont que de petits bouts de verre qui reflète sa lumière ? Si nos voyons à travers nos espoirs ou nos désespoirs, nous pouvons entrevoir l’espérance…

N’est-ce pas la même chose que proclamait Isaïe (Is 9) :

« Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi. Tu as prodigué la joie, tu as fait grandir l’allégresse : ils se réjouissent devant toi, comme on se réjouit de la moisson, comme on exulte au partage du butin. Car le joug qui pesait sur lui, la barre qui meurtrissait son épaule, le bâton du tyran, tu les as brisés comme au jour de Madiane. Et les bottes qui frappaient le sol, et les manteaux couverts de sang, les voilà tous brûlés : le feu les a dévorés. »

Derrière l’ombre de l’espoir se cache l’espérance !


Alors…

Je sais maintenant pourquoi ce chant me touchait : tout simplement parce qu’il dépasse mes espoirs et mes désespoirs. Parce qu’il me laisse voir à travers, entrevoir qu’un jour…

  • Dieu ouvrira le tombeau de mon coeur avant d’ouvrir le tombeau de mon corps ;

  • qu’un jour il me ramènera sur la terre d’Israël (j’en ai même envie concrètement : Jérusalem est une ville qui m’a toujours bouleversé — Ps 136, 6 : « Je veux que ma langue s'attache à mon palais si je perds ton souvenir, si je n'élève Jérusalem, au sommet de ma joie. ») ;

  • qu’un jour il me fera remonter des gouffres où j’ai l’impression de sombrer (Lc 3, 4-6 : « Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées ; les passages tortueux deviendront droits, les chemins rocailleux seront aplanis ; et tout être vivant verra le salut de Dieu ») ;

  • qu’un jour, il mettra en mon âme son Esprit (« L’Esprit de Dieu repose sur moi, L’Esprit de Dieu m’a consacré, L’Esprit de Dieu m’a envoyé proclamer la paix, la joie. ») ;

  • qu’un jour je vivrai pour l’éternité (Ps 15, 9-10 : « Mon coeur exulte, mon âme est en fête, ma chair elle-même repose en confiance : tu ne peux m'abandonner à la mort ni laisser ton ami voir la corruption. ») ;

  • qu’un jour, il me donnera le repos (Phm 20 : « Oui, frère, donne-moi cette satisfaction dans le Seigneur, fais que mon cœur trouve du repos dans le Christ. ») ;

  • qu’un jour, je saurai totalement qu’il est mon Dieu !


Ce jour, peut-être est-il plus proche que je ne le crois, peut-être que c’est dans une quinzaine de jours…

Ainsi parle le Seigneur Dieu : Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai remonter, ô mon peuple, et je vous ramènerai sur la terre d’Israël. Vous saurez que Je suis le Seigneur, quand j’ouvrirai vos tombeaux et vous en ferai remonter, ô mon peuple ! Je mettrai en vous mon esprit, et vous vivrez ; je vous donnerai le repos sur votre terre. Alors vous saurez que Je suis le Seigneur : j’ai parlé et je le ferai – oracle du Seigneur.



Mardi, 4e semaine du Carême


Prends ton brancard…



La piscine de Bethesda,

Anonyme,

Gravure sur bois extraite de la « Bible de Zurich » éditée par Christoph Froschauer, (1490-1564) entre 1529 et 1531 pour le compte de la réforme de Zwingli.


Évangile selon saint Jean 5, 1-16

À l’occasion d’une fête des Juifs, Jésus monta à Jérusalem. Or, à Jérusalem, près de la Porte des Brebis, il existe une piscine qu’on appelle en hébreu Bézatha. Elle a cinq colonnades, sous lesquelles étaient couchés une foule de malades : aveugles, boiteux et paralysés. Il y en avait un qui était malade depuis trente-huit ans. Jésus, le voyant couché là, et apprenant qu’il était dans cet état depuis longtemps, lui dit: «Est-ce que tu veux retrouver la santé?» Le malade lui répondit: «Seigneur, je n’ai personne pour me plonger dans la piscine au moment où l’eau bouillonne; et pendant que j’y vais, un autre descend avant moi.» Jésus lui dit: «Lève-toi, prends ton brancard, et marche.» Et aussitôt l’homme retrouva la santé. Il prit son brancard: il marchait! Or, ce jour-là était un jour de sabbat. Les Juifs dirent à cet homme que Jésus avait guéri: «C’est le sabbat! Tu n’as pas le droit de porter ton brancard.» Il leur répliqua: «Celui qui m’a rendu la santé, c’est lui qui m’a dit: “Prends ton brancard, et marche!”» Ils l’interrogèrent: «Quel est l’homme qui t’a dit: “Prends-le, et marche”?» Mais celui qui avait été guéri ne le savait pas; en effet, Jésus s’était éloigné, car il y avait foule à cet endroit. Plus tard, Jésus le retrouva dans le Temple et lui dit: «Te voilà en bonne santé. Ne pèche plus, il pourrait t’arriver pire encore.» L’homme partit annoncer aux Juifs que c’était Jésus qui lui avait rendu la santé. Et les Juifs se mirent à poursuivre Jésus parce qu’il avait fait cela le jour du sabbat.


À Jérusalem, près de l’actuelle porte Saint-Étienne, se trouvait une piscine, en fait deux anciens bassins de retenue des eaux, qui servaient à laver les brebis qui étaient emmenées au Temple pour les sacrifices rituels. Cette fonction lui a donné le nom de piscine probatique (ce mot veut dire : petit bétail). Puis, les bassins devinrent des thermes dédiés à Esculape, le dieu grec chargé de guérir les malades. On lui donna alors l’autre nom de Bethzatha (maison de la grâce) ou Bethesda (où jaillit l’eau). Entre les bassins fut construit un portique à cinq arches qui explique l’expression de saint Jean : les cinq colonnades. La tradition, précisée dans quelques manuscrits, raconte qu’un ange faisait bouillonnait l’eau (bouillonnement certainement dû au ruissellement des eaux descendant du Temple) et que le premier qui s’y plongeait était guéri quel que soit son mal. Dans la partie supérieure droite, on distingue Jésus qui s’approche, avec ses disciples, d’un homme allongé sur son lit de fortune. Un peu plus sur la gauche, guéri, il repart sur l’ordre du Christ, portant son grabat. Le fond de la scène nous montre, non les cinq portiques attendus, ni une vue de Jérusalem ou de la porte des Brebis, mais une chaîne de montagnes.


Mais, avant tout acte thaumaturgique, il est une première question que Jésus nous pose, celle de notre liberté, car il ne veut s’imposer à nous : « Veux-tu guérir ? » Peut-être qu’avant de nous demander si Jésus guérit il serait bon de s’interroger : voulons-nous vraiment être guéri ?


Et c’est là que cette gravure nous donne quelques éléments de réponse. D’abord, ce grabat que le paralytique va devoir porter. Si nous répondons « oui » à la question du Christ, il nous guérira. Mais il ne s’agira pas d’oublier ce que fut notre condition précédente, au risque de retomber. Alors, comme une anamnèse (souvenir en grec) de sa grâce, il nous confie notre grabat. Nos cicatrices guéries sont là pour nous rappeler que nous fûmes malades. Peut-être même nous donnent-elles notre vraie beauté…


Le deuxième signe est celui de la forme de ce bassin. Il rappelle curieusement la forme d’un baptistère. N’est-ce pas dans l’eau du baptême que nous sommes définitivement guéris de ce mal implacable qui s’appelle le péché originel, et de la mort éternelle ? La main droite de Jésus semble même l’indiquer au malade comme étant le vrai lieu de notre guérison.


Et il y a cet ange. Il ne descend pas dans la piscine baptismale, il la touche de son bâton. Comme Moïse touchât de son bâton le rocher pour en faire jaillir l’eau qui étanche la soif de guérir (Nb 20, 11), comme Moïse qui jeta son bâton dans l’eau pour la purifier de notre amertume (Ex 15, 25). Est-ce pour cela que la scène se déroule dans une sorte de désert entouré de montagnes ? Ou pour nous rappeler la montagne du Golgotha sur laquelle fut crucifiée le Christ, lorsqu’un soldat de son bâton lui perçât le côté (Jn 19, 34) d’où il jaillit une source de vie ?


Enfin, il y a cette multitude d’infirmes dont parle l’Évangile : un jeune homme allongé au premier plan, un adulte qui descend dans la piscine, un vieillard qui se fait porter. Peut-être sommes nous en présence des trois âges de l’homme, celui qui a passé toute sa vie infirme, et qui maintenant est guéri, relevé, sauvé ? À moins que le personnage au premier plan, allongé, qui semble avoir le ventre gonflé, soit une femme prête à accoucher ? La position de ses bras est similaire à celle du paralytique que Jésus guérit. Un nouveau monde serait-il en train de naître ? La guérison de Jésus serait-elle de nous faire quitter l’homme ancien ? « À moins de naître d’en haut, nul ne peut voir le Royaume de Dieu. Nicodème lui dit : Comment un homme peut il naître, étant vieux ? Peut il une seconde fois entrer dans le sein de sa mère et naître ? » Jn 3, 3-4. En nous guérissant, Jésus nous fait re-naître, renaître à un homme nouveau qui n’oubliera pas sa condition, le grabat lui rappellera…


Comme si l’artiste avait voulu nous dire : oui, Jésus peut te guérir, si tu le veux ! Oui, Jésus te guérira de la mort éternelle dans les eaux du baptême ! Oui, Jésus te guérira et te rappellera, par ton grabat, la grâce qui t’a été faite ! Oui, Jésus, dans ton désert peut faire jaillir des sources vivifiantes ! Oui, Jésus peut purifier tes eaux acides ! Oui, c’est maintenant que Jésus guérit, qu’il fait de toi un homme nouveau : « Aujourd'hui cette parole de l'Écriture, que vous venez d'entendre, est accomplie » (Lc 4, 21). Aujourd’hui, tu vas re-naître à la grâce ! Réponds simplement à sa question…


Benoît XVI, Jésus de Nazareth, Opera Omnia, Parole et silence, pages 158-159

En même temps, dans de larges cercles de la théologie, et particulièrement dans les milieux catholiques, on a vu se développer une réinterprétation sécularisée du concept de «royaume», qui ouvrait la voie à une nouvelle vision du christianisme, des religions et de l'histoire en général, prétendant par ces transformations profondes rendre à nouveau accessible le message de Jésus. On disait qu'avant le Concile c'était l'ecclésio-centrisme qui dominait: l'Eglise était considérée comme le centre du christianisme. Puis on serait passés au christocentrisme, en présentant le Christ comme le centre de toute chose. Mais - à ce qu'on disait - l'Église n'était pas la seule à être cause de division, le Christ aussi, puisqu'il n'appartient qu'aux seuls chrétiens. Par conséquent, du christocentrisme on serait montés au théocentrisme, en nous rapprochant déjà davantage, de cette manière, de la communauté des religions. Sans pour autant, affirmait-on, toucher réellement au but, car Dieu peut être aussi un facteur de division entre les religions et entre les hommes.


Il fallait donc accomplir un pas supplémentaire vers le régno-centrisme, qui donnait un rôle central au royaume. On disait qu’en définitive c'était bien là que se trouvait le cœur du message de Jésus; comprendre cela nous mettait sur le juste chemin qui nous permettrait d'unir enfin les forces positives de l'humanité dans son chemin vers l'avenir du monde. Le «règne» désignerait alors tout simplement un monde où règnent la paix, la justice et la sauvegarde du créé. Il ne s'agirait de rien d'autre. Ce «règne» se réaliserait comme un aboutissement de l'histoire; et en ce sens le véritable but des religions pourrait apparaître: celui de coopérer à la venue du «royaume»... Quant au reste, les religions pourraient garder leurs traditions, garder chacune leur identité, mais tout en conservant leur spécificité, elles devraient collaborer à l'édification d'un monde où la paix, la justice et le respect du créé joueraient un rôle décisif.


L'idée peut paraître convaincante: si l'on suit ce chemin, il semble possible que tous les hommes puissent finalement s'approprier le message du Christ sans qu'on ait besoin d'évangéliser les autres religions; car sa parole semble avoir désormais un contenu pratique, la réalisation du «royaume» semble ainsi devenir le but commun, et paraît plus proche. Mais si l'on observe les choses plus attentivement, on reste tout de même perplexes : qui peut nous dire en effet ce qu'est la justice? Qu'est-ce qui se met concrètement au service de la jus-tice? Comment la paix se construit elle? Et à bien y regarder, tout ce beau raisonnement n'est rien d'autre qu'un ensemble de bavardages utopiques privés de contenu réel, à moins que derrière tout cela, ne se trouvent des doctrines partisanes, des concepts que l'on prétende faire accepter à tous.


Un point ressort, en tout cas, de tout cela: Dieu a disparu, c'est désormais l'homme qui agit seul. Le respect des traditions «religieuses » n'est qu'apparent. Elles ne sont en réalité considérées que comme un amas d'habitudes qu'il faut laisser aux hommes, même si au fond elles ne servent à rien. La foi, les religions, sont utilisées à des fins politiques. La seule chose qui compte est d'organiser le monde.


La religion n'est intéressante que dans la mesure où elle aide à cela. Et il est inquiétant de voir combien cette vision post-chrétienne de la foi et de la religion se rapproche de la troisième tentation.


L'esprit de Dieu repose sur moi

L’Esprit de Dieu repose sur moi, L’Esprit de Dieu m’a consacré, L’Esprit de Dieu m’a envoyé proclamer la paix, la joie.


1. L’Esprit de Dieu m’a choisi Pour étendre le Règne du Christ parmi les nations, Pour proclamer la Bonne Nouvelle à ses pauvres. J’exulte de joie en Dieu, mon Sauveur !


2. L’Esprit de Dieu m’a choisi Pour étendre le Règne du Christ parmi les nations, Pour consoler les coeurs accablés de souffrance. J’exulte de joie en Dieu, mon Sauveur !


3. L’Esprit de Dieu m’a choisi Pour étendre le Règne du Christ parmi les nations, Pour accueillir le Pauvre qui pleure et qui peine. J’exulte de joie en Dieu, mon Sauveur !


4. L’Esprit de Dieu m’a choisi Pour étendre le Règne du Christ parmi les nations, Pour annoncer la grâce de la délivrance. J’exulte de joie en Dieu, mon Sauveur !


5. L’Esprit de Dieu m’a choisi Pour étendre le règne du Christ parmi les nations, Pour célébrer sa gloire parmi tous les peuples. J’exulte de joie en Dieu, mon Sauveur !



Acte d’Espérance

Mon Dieu, j’espère avec une ferme confiance que vous me donnerez, par les mérites de Jésus-Christ, votre grâce en ce monde et le bonheur éternel dans l’autre, parce que vous l’avez promis et que vous tenez toujours vos promesses.



Charles Péguy, Porche de la deuxième vertu

"Ce qui m’étonne, dit Dieu, c’est l’espérance

Et je n’en reviens pas.

Cette petite espérance qui n’a l’air de rien du tout.

Cette petite fille espérance.

Immortelle.

Car mes trois vertus, dit Dieu. Les trois vertus mes créatures. Mes filles mes enfants. Sont elles-mêmes comme mes autres créatures. De la race des hommes. La Foi est une Epouse fidèle. La Charité est une Mère. Une mère ardente, pleine de cœur. Ou une sœur aînée qui est comme une mère. L’Espérance est une petite fille de rien du tout. Qui est venue au monde le jour de Noël de l’année dernière. Qui joue encore avec le bonhomme Janvier. Avec ses petits sapins en bois d’Allemagne. Peints. Et avec sa crèche pleine de paille que les bêtes ne mangent pas. Puisqu’elles sont en bois. C’est cette petite fille pourtant qui traversera les mondes. C’est cette petite fille de rien du tout. Elle seule, portant les autres, qui traversera les mondes révolus."



Guerric d’Igny (1080-1157), Lectionnaire…, J.R. Bouchet, pp. 44-45, Sermon II, 1 pour l’Avent

"Nous attendons le Sauveur. Vraiment, elle est joyeuse l’attente des justes, de ceux qui attendent la bienheureuse espérance et la venue de notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ ! "Quelle est mon espérance, dit le juste, n’est-ce pas le Seigneur ?" Puis, il se tourne vers lui et il s’écrie : "Je le sais : tu ne décevras pas mon attente" Ô Christ, attente des nations, tous ceux qui t’espèrent ne seront pas déçus ! Nos Pères t’ont espéré, tous les justes, depuis la création du monde, ont espéré en toi et ils n’ont pas été déçus. Aussi, lorsque nous avons reçu ton amour au milieu de ton temple, le chœur des hommes s’est exclamé dans un transport de joie et de louange : "Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !" J’espérais le Seigneur d’un grand espoir, il s’est penché vers moi. Ils ont reconnu dans la faiblesse de la chair la splendeur de la divinité et ils ont dit : "Voici notre Seigneur ; nous l’avons attendu et il nous sauvera. C’est lui notre Sauveur, nous l’avons espéré, nous exulterons et nous bondirons de joie en son salut." Heureux l’homme dont l’espérance est le nom du Seigneur…"



Homélie de St Augustin sur le Ps. 148

"La méditation, dans notre vie présente, doit consister à louer Dieu, car l’allégresse éternelle de notre vie future sera une louange de Dieu ; et personne ne peut être adapté à la vie future s’il ne s’y exerce pas dès maintenant. Maintenant donc nous louons Dieu, mais nous le supplions aussi. Notre louange comporte la joie ; notre supplication, le gémissement. Car on nous a promis quelque chose que nous ne possédons pas encore ; et parce que l’auteur de la promesse est véridique, nous trouvons notre joie dans l’espérance ; mais parce que nous ne possédons pas encore, notre désir nous fait gémir. Il nous est bon de persévérer dans le désir jusqu’à ce que vienne le bonheur promis, jusqu’à ce que le gémissement disparaisse et que la louange demeure seule.


Il y a donc deux époques : l’époque actuelle qui se passe dans les tentations et les épreuves de cette vie et une seconde époque, qui sera celle de la sécurité et de l’allégresse sans fin. Aussi deux époques ont-elle été instituées pour nous : avant Pâques et après Pâques. L’époque antérieure à Pâques symbolise l’épreuve où nous sommes maintenant ; et ce que nous célébrons en ces jours qui suivent Pâques [Augustin prêche dans le temps pascal] symbolise la béatitude qui sera plus tard la nôtre. Avant Pâques nous célébrons donc ce que nous sommes en train de vivre ; après Pâques, ce que nous célébrons symbolise ce que nous ne possédons pas encore. C’est pourquoi, dans la première époque, nous nous entraînons par le jeûne et la prière ; mais dans l’époque présente, nous abandonnons le jeûne et nous vivons dans la louange. Tel est le sens de l’Alléluia que nous chantons." (En. In Ps 148, 1).

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